Les États-Unis et la Chine concluent un accord-cadre commercial fragile tandis que des différends clés restent non résolus
Poignée de main fragile : Les États-Unis et la Chine concluent une trêve commerciale provisoire, les minéraux critiques en suspens
Boxe de l'ombre à Londres : Un accord sur le papier, la confiance en question
LONDRES — Les négociateurs chinois et américains ont émergé mardi avec ce que l'on pourrait généreusement qualifier de cessez-le-feu plutôt que de traité de paix. L'accord-cadre commercial préliminaire, annoncé le 10 juin par le vice-ministre chinois du Commerce Li Chenggang, replace le plateau de jeu aux positions du 2 avril, mais laisse les pièces les plus litigieuses encore en jeu.
« Professionnelles, rationnelles, approfondies et franches », telle est la formule diplomatique décrivant les deux jours de pourparlers. Derrière ce phrasé prudent se cache un arrangement fragile qui, selon les analystes, équivaut à appuyer sur pause plutôt qu'à résoudre les conflits fondamentaux concernant les minéraux de terres rares et les technologies avancées qui ont déstabilisé les marchés mondiaux.
« Il s'agit essentiellement d'une trêve procédurale, pas d'un accord substantiel », a déclaré un économiste senior d'une grande banque d'investissement. « L'histoire montre que ces cadres sans métriques s'effondrent généralement dans les deux mois. »
Le sommet de Londres, minutieusement chorégraphié, a réuni le vice-Premier ministre chinois He Lifeng et le ministre du Commerce Wang Wentao avec leurs homologues américains, le secrétaire au Trésor Scott Bessent, le secrétaire au Commerce Howard Lutnick et la représentante au Commerce Jamieson Greer. Les deux présidents — Xi Jinping et Donald Trump — doivent maintenant approuver le cadre avant sa mise en œuvre.
Le trésor le plus rare de la Terre : La crise des minéraux qui paralyse Detroit
Au cœur des tensions se trouve l'accès aux éléments de terres rares — 17 métaux aux propriétés magnétiques et conductrices essentielles à tout, des véhicules électriques aux éoliennes et au matériel militaire. La mainmise de la Chine sur l'approvisionnement mondial est devenue son arme économique la plus puissante.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : les exportations chinoises de terres rares ont chuté à 5 864 tonnes en mai, soit une baisse stupéfiante de 48,3 % d'une année sur l'autre. Ce choc d'approvisionnement a eu des répercussions sur l'ensemble de l'industrie manufacturière mondiale, de manière la plus visible lorsque Ford Motor Company a dû interrompre ses lignes de production pour son SUV Explorer en raison de pénuries d'aimants.
Dans le cadre de l'accord de Londres, la Chine a proposé de rétablir les exportations civiles aux niveaux d'avant avril grâce à des licences temporaires de six mois. L'exemption critique : les contractants militaires américains restent coupés, maintenant la pression sur un secteur qui consomme environ 15 % des aimants spécialisés au néodyme-fer-bore.
« Les licences temporaires sont discrétionnaires et révocables », a souligné un spécialiste des matières premières qui suit les négociations. « Les constructeurs automobiles mondiaux et les fabricants de technologies vertes ne peuvent pas construire de chaînes d'approvisionnement stables sur des fondations aussi fragiles. »
Plafond de silicium : La bataille des puces IA fait rage
Si les terres rares représentent le champ de bataille des ressources physiques, les semi-conducteurs avancés incarnent le champ de bataille intellectuel. L'accord de Londres maintient explicitement les restrictions américaines sur les puces GPU de classe H20 et supérieure — les moteurs de calcul qui alimentent le développement de l'intelligence artificielle de pointe.
La formulation du cadre selon laquelle les restrictions sur les exportations de technologies sont « à revoir » sonne creux pour les analystes de l'industrie, qui soulignent que le Bureau de l'industrie et de la sécurité du Département du Commerce — et non le Trésor — contrôle ces restrictions. Personne à la table de Londres n'avait le pouvoir de les lever.
Cette impasse des semi-conducteurs révèle une contradiction fondamentale dans la stratégie américaine : vouloir maintenir les exportations de puces vers la Chine tout en empêchant simultanément l'avancement de l'IA chinoise. La réponse de Pékin a été tout aussi rigide : « Si nous ne pouvons pas développer nos propres puces et notre propre IA, nous n'achèterons pas les vôtres non plus. »
Pour des entreprises comme Nvidia, cela se traduit par un vent contraire sur les revenus estimé à 5 à 5,5 milliards de dollars pour l'exercice fiscal 2025, les forçant à s'orienter vers des architectures de puces modifiées qui équilibrent la conformité à l'exportation et la viabilité commerciale.
Derrière le rideau diplomatique : Six heures de négociations tendues
Des sources proches des pourparlers ont décrit plus de six heures d'échanges « houleux mais structurés ». Les responsables chinois ont souligné qu'un « réel progrès est impossible » sans la « sincérité » américaine, tandis que les représentants américains ont eu du mal à présenter un front uni au milieu de conflits internes signalés entre Lutnick, Bessent et Greer.
La pause de 90 jours sur les nouveaux droits de douane qui en résulte — laissant intacts les prélèvements existants s'élevant en moyenne à 30 % sur 320 milliards de dollars de marchandises — semble principalement conçue pour permettre aux deux nations de traverser les événements estivaux politiquement sensibles : le sommet du G7 de Trump en juillet et la réunion critique de planification économique du troisième plénum de Xi.
« Aucune des deux parties ne souhaite une escalade de la guerre commerciale pendant ces moments domestiques critiques », a déclaré un expert en relations internationales qui suit les négociations. « Mais le cadre manque de mécanismes d'application contraignants, ce qui le rend vulnérable à la prochaine provocation perçue. »
Secousses du marché : Des ondes économiques au-delà de la table de négociation
Les marchés ont réagi avec un optimisme mesuré à la nouvelle de l'accord-cadre. MP Materials, le plus grand producteur de terres rares d'Amérique, a bondi de 9 % en séance avant de s'établir à 27,23 $, en légère baisse, les investisseurs ayant reconnu les limites de l'accord. Les actions Nvidia ont à peine bougé, gagnant seulement 1 % pour atteindre 143,96 $, les traders ayant déjà intégré la probabilité d'un allègement de l'interdiction des puces.
Le yuan chinois s'est brièvement renforcé de 7,36 à 7,30 face au dollar avant de perdre la moitié de ces gains — une action de prix cohérente avec le scepticisme quant à la durabilité de l'accord-cadre.
Ces mouvements de marché se sont produits dans un contexte économique mondial préoccupant. La Banque mondiale a récemment réduit ses prévisions de croissance pour 2025 à 2,3 % — la performance la plus faible en dehors d'une récession depuis 2008. Même son scénario optimiste, supposant la suppression de la moitié de tous les droits de douane, n'ajouterait que 0,2 point de pourcentage à la croissance mondiale.
Compte à rebours critique : L'été des décisions
Le cadre est confronté à une série de tests de stress dans les semaines à venir :
- 20 juin : Les douanes chinoises publient la ventilation détaillée des exportations de terres rares en mai, fournissant la première preuve concrète de l'engagement de Pékin.
- 8 juillet : Date limite de certification de la Maison Blanche pour prolonger la pause tarifaire de 90 jours.
- Juillet : Examen par le Bureau de la sécurité industrielle des restrictions à l'exportation de la classe H20.
- 1er août : Expiration de la trêve tarifaire de Genève qui a précédé ces pourparlers.
Chaque date représente un événement à risque binaire capable d'annuler les fragiles progrès réalisés à Londres.
Boussole d'investissement : Naviguer en eaux incertaines
Pour les investisseurs cherchant à positionner leurs portefeuilles dans cette partie d'échecs géopolitique, les analystes suggèrent de traiter l'accord-cadre de Londres comme « une option d'achat sur la détente » avec un potentiel de baisse limité mais un potentiel de hausse asymétrique si des concessions substantielles se matérialisent.
Les producteurs de terres rares non-chinois comme MP Materials et Lynas restent structurellement avantagés, quelles que soient les approbations de licences temporaires. L'ETF VanEck Rare Earth/Strategic Metals , en baisse de 28 % depuis le début de l'année, pourrait trouver un soutien aux niveaux actuels tout en offrant une exposition à effet de levier à toute perturbation d'approvisionnement supplémentaire.
Dans les semi-conducteurs, l'écosystème logiciel CUDA de Nvidia et sa position dominante sur la demande des hyperscalers américains devraient soutenir sa trajectoire de croissance malgré les vents contraires chinois. Les investisseurs pourraient envisager d'acheter en période de faiblesse tout en couvrant le risque événementiel autour de la fenêtre catalytique de juillet.
Les marchés des titres à revenu fixe et des devises suggèrent de maintenir des bons du Trésor américain à longue échéance, car la trêve commerciale élimine le risque de queue gauche mais manque de substance suffisante pour modifier la trajectoire de la politique de la Réserve fédérale.
L'accord-cadre de Londres représente le dernier chapitre d'une relation économique complexe entre les plus grandes économies du monde, et non sa conclusion. Bien qu'il offre un répit temporaire contre l'escalade, les tensions fondamentales concernant le leadership technologique et l'accès aux ressources critiques restent non résolues. Les performances passées ne préjugent pas des résultats futurs, et les investisseurs doivent consulter des conseillers financiers pour des conseils personnalisés.