L'inflation suisse passe en territoire négatif, le franc fort pesant sur l'économie avant la réunion de la Banque centrale

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ALQ Capital
8 min de lecture

L'inflation suisse passe en territoire négatif : Ce que cela signifie pour les marchés et la politique monétaire

Le taux d'inflation suisse est passé sous la barre de zéro pour la première fois en plus de quatre ans, s'établissant à -0,1 % en mai 2025. Ce glissement inattendu en territoire déflationniste — un événement rare parmi les économies développées — a créé des ondes de choc sur les marchés financiers et a quasiment garanti une action de la Banque Nationale Suisse (BNS) lors de sa prochaine réunion de juin.

Banque Nationale Suisse (BNS) (gstatic.com)
Banque Nationale Suisse (BNS) (gstatic.com)

Le choc silencieux qui a pris les marchés au dépourvu

Dans le pittoresque centre financier de Zurich, l'ambiance parmi les traders et les économistes est à la vigilance accrue. Ce qui semblait être un ralentissement progressif de l'inflation s'est soudainement accéléré, franchissant le seuil psychologique en territoire négatif.

« La rapidité de cette transition est remarquable », note un économiste senior d'une grande banque suisse. « Nous sommes passés de la question de savoir si la BNS réduirait les taux cet été à celle de l'ampleur de la baisse lors d'une seule réunion. »

La baisse de 0,1 % en glissement annuel des prix à la consommation fait suite à des mois de désinflation et correspond au consensus d'une enquête Bloomberg auprès des économistes. Derrière ce chiffre principal se cache une mosaïque complexe de mouvements de prix : la baisse des coûts du mazout de chauffage et des transports aériens moins chers ont tiré l'indice global vers le bas, tandis que les prix des loyers et de certaines catégories de produits alimentaires ont poursuivi leur progression.

Le plus révélateur est peut-être que l'inflation sous-jacente — qui exclut les éléments volatils comme l'énergie et les produits alimentaires frais — a décéléré pour atteindre seulement 0,5 %, suggérant des forces désinflationnistes plus larges à l'œuvre dans l'économie suisse.

Le puissant franc : Bénédiction et malédiction

Au cœur des pressions déflationnistes en Suisse se trouve sa monnaie — le franc, qui s'apprécie constamment et s'est imposé comme l'un des principaux actifs refuges mondiaux. La force du franc a transformé les biens importés en une force déflationniste persistante, les produits étrangers ayant soustrait entre 0,6 et 0,9 point de pourcentage à l'inflation globale tout au long de l'année.

Le franc pondéré par le commerce réel a bondi de près de 10 % depuis le début de l'année, créant un environnement de plus en plus difficile pour les exportateurs du pays tout en amortissant simultanément les pressions sur les prix pour les consommateurs.

La situation de la Suisse contraste fortement avec celle de ses voisins européens, où l'inflation reste obstinément proche de 2 %. Mesurés selon la méthode harmonisée de l'UE, les prix suisses ont en fait diminué de 0,2 % en mai — élargissant l'écart d'inflation et soulignant l'exceptionnalisme économique de la Suisse.

Une banque centrale sous pression : La voie à suivre

La BNS se retrouve désormais à naviguer en des eaux familières mais dangereuses. Depuis 2008, la Suisse a connu quatre périodes distinctes d'inflation négative, chacune nécessitant un calibrage monétaire minutieux. Les acteurs du marché ont rapidement ajusté leurs attentes, les produits dérivés prévoyant désormais une probabilité de 69 % d'une baisse de taux de 0,25 % à zéro lors de la réunion du 19 juin, et une chance de 31 % d'une action plus agressive à -0,25 % — ce qui marquerait un retour à l'ère des taux négatifs qui a défini une grande partie de la décennie passée.

Le président de la BNS, Martin Schlegel, a tenté de tempérer les attentes, soulignant l'accent mis par la banque sur la stabilité des prix à moyen terme plutôt que sur les fluctuations mensuelles. Pourtant, l'histoire suggère que la banque centrale agit généralement de manière préventive face aux risques déflationnistes liés à la monnaie, plutôt que d'attendre des preuves définitives d'un problème.

« La BNS dispose d'un plan d'action bien établi pour ces scénarios », explique un stratège expérimenté des taux suisses. « Ils savent qu'une fois que les anticipations de déflation s'enracinent, elles sont extrêmement difficiles à déloger. »

Le paysage d'investissement : Opportunités au milieu de l'incertitude

Pour les investisseurs, le virage déflationniste de la Suisse crée un paysage complexe mais potentiellement gratifiant. Les marchés obligataires semblent sous-évalués par rapport à la trajectoire politique à venir, les contrats à terme SARON à 1 mois pour septembre impliquant des taux de seulement -3 points de base — un niveau qui semble insuffisant compte tenu de l'argument croissant en faveur d'un assouplissement supplémentaire.

La courbe des rendements suisses est susceptible de s'accentuer à mesure que la banque centrale mettra fin à la réduction de son bilan, l'écart 5s30s pouvant s'élargir des 50 points de base actuels à près de 60 points de base. Les marchés des options de change semblent également sous-évaluer le risque d'une appréciation accélérée du franc, les inversions de risque EUR/CHF ne suggérant qu'une légère inclinaison vers les options d'achat malgré le risque significatif que le taux de change passe sous 0,88.

En ce qui concerne les actions, une nette divergence apparaît entre les entreprises axées sur le marché intérieur et les multinationales orientées vers l'exportation. Les entreprises de services publics et de télécommunications devraient bénéficier de taux d'actualisation plus bas, tandis que les exportateurs sont confrontés à des vents contraires dus aux effets de conversion des devises. Il est à noter que les contrats à terme sur dividendes semblent excessivement pessimistes, impliquant une baisse de 7 % des paiements en 2025 malgré des impacts plus modestes dans les prévisions au niveau des entreprises.

Au-delà des gros titres : Est-ce une vraie déflation ?

Sous les chiffres annoncés se cache une réalité plus nuancée. Seulement 41 % du panier de prix à la consommation en Suisse connaît des baisses de prix pures et simples — bien en dessous du seuil de 60 % observé lors de l'épisode déflationniste de 2015-2016. La situation actuelle semble plus caractéristique d'un choc de prix induit par les importations que d'une spirale déflationniste généralisée et tirée par la demande.

« Ce que nous observons n'est pas encore un piège déflationniste à la japonaise », met en garde un analyste macroéconomique. « Il s'agit plus précisément d'une désinflation aiguë tirée par la force de la monnaie et la baisse des coûts énergétiques. Le défi pour la BNS est d'empêcher que cela ne se transforme en quelque chose de plus persistant. »

La distinction est d'une importance capitale pour la politique monétaire. Une période temporaire d'inflation négative peut être traitée par des baisses de taux conventionnelles, tandis qu'une déflation enracinée pourrait nécessiter un retour aux mesures extraordinaires déployées après la crise financière, y compris les taux négatifs et potentiellement des interventions monétaires élargies.

Le calendrier à venir : Tournants critiques

Les acteurs du marché sont désormais fixés sur une série de dates critiques qui détermineront la trajectoire monétaire de la Suisse. Les données hebdomadaires sur les dépôts à vue publiées le 6 juin fourniront des indices précoces sur une éventuelle intervention de la BNS sur les devises, tandis que les prix à la production et à l'importation le 14 juin offriront des aperçus des pressions dans la chaîne d'approvisionnement.

L'événement principal est, bien sûr, la réunion de politique monétaire de la BNS du 19 juin, avec une baisse de 25 points de base désormais comme attente de référence. Si le franc devait franchir 0,89 contre l'euro avant cette date, une action plus agressive deviendrait de plus en plus probable. La publication de l'inflation du 4 juillet servira ensuite de jauge critique pour déterminer si le chiffre négatif de mai était une anomalie ou le début d'une tendance.

Positionnement de portefeuille : Naviguer en eaux déflationnistes

Pour les investisseurs professionnels, le virage déflationniste de la Suisse crée des opportunités spécifiques à travers les classes d'actifs. L'allongement de la duration semble de plus en plus attractif sur les marchés obligataires, le ratio de Sharpe ajusté des obligations du gouvernement suisse à 5 ans dépassant toujours le cash malgré des rendements négatifs. Les écarts de crédit pour les émetteurs nationaux de qualité investissement restent élevés à 55-85 points de base contre le milieu des années 30 en 2021, suggérant une marge de compression car le risque de déflation profite en fait aux entreprises locales à faible endettement.

En matière de devises, les positions courtes directes contre le franc entraînent des coûts prohibitifs. Plus prometteurs sont les trades de force relative — se positionner à l'achat sur le franc contre la couronne suédoise tout en le vendant à découvert contre la couronne norvégienne ou le dollar néo-zélandais, en fonction des données économiques chinoises.

Les marchés immobiliers réagissent déjà à l'évolution de l'environnement des taux, les taux de fixation des prêts hypothécaires ayant baissé de 20 points de base depuis mars et pouvant encore chuter de 15 points de base jusqu'en août. Cela devrait offrir un certain amorti aux flux de trésorerie des propriétés commerciales malgré les vents contraires économiques plus larges.

Se préparer à la suite

Le glissement inattendu de la Suisse vers la déflation représente non seulement une anomalie statistique mais un point d'inflexion significatif pour la politique monétaire et la stratégie d'investissement. Bien qu'il ne signale pas encore une spirale déflationniste à part entière, le chiffre de l'IPC de mai donne suffisamment d'élan à la BNS pour agir de manière préventive, entamant probablement un nouveau cycle d'assouplissement qui pourrait finalement ramener le pays à l'environnement de taux négatifs dont il vient tout juste de sortir.

Pour les investisseurs, le message est clair : positionnez-vous pour un régime de « déflation modérée, BNS proactive » qui favorise la duration, des courbes de rendement plus pentues et des approches tactiques du franc qui respectent son potentiel d'appréciation future tout en reconnaissant la probabilité croissante d'une intervention de la banque centrale si cette appréciation s'accélère.

Alors que la Suisse diverge une fois de plus des tendances monétaires mondiales, la petite nation alpine offre une étude de cas fascinante sur la manière dont les économies avancées naviguent les pressions déflationnistes dans un monde qui se débat encore avec les conséquences de la poussée inflationniste qui a marqué le début des années 2020.

Clause de non-responsabilité : Cette analyse reflète les opinions au 3 juin 2025 et est fournie à titre informatif uniquement. Les performances passées ne garantissent pas les résultats futurs. Les lecteurs sont invités à consulter des conseillers financiers pour des conseils personnalisés.

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