Un tribunal de Paris épingle TotalEnergies pour « écoblanchiment » dans un jugement climatique historique

Par
Yves Tussaud
4 min de lecture

Un tribunal de Paris condamne TotalEnergies pour « greenwashing » dans une décision climatique historique

Le géant pétrolier français a été sommé de supprimer ses allégations trompeuses de « neutralité carbone » dans une décision qui pourrait ébranler l’industrie mondiale des énergies fossiles.

PARIS — Un tribunal parisien a fait l'effet d'une onde de choc dans le secteur mondial de l'énergie ce mercredi en reconnaissant TotalEnergies coupable d'avoir trompé les consommateurs sur ses engagements climatiques. Les juges ont estimé que le marketing « vert » clinquant du géant pétrolier français – rempli d'éoliennes, de panneaux solaires et de discours sur un avenir « neutre en carbone » – avait franchi la ligne de la tromperie. L'entreprise dispose désormais d'un mois pour retirer ces allégations de son site web, sous peine d'amendes journalières pouvant atteindre 20 000 €.

Pour la toute première fois, une grande entreprise pétrolière et gazière a été légalement tenue responsable d'avoir paré son image d'une responsabilité environnementale alors que ses activités reposent encore majoritairement sur les énergies fossiles. Les organisations environnementales ont salué le verdict comme un tournant décisif. « C'est la première fois au monde qu'une grande entreprise pétrolière et gazière est jugée responsable d'avoir trompé le public en 'verdissant' son image », a déclaré Les Amis de la Terre France, l'une des trois organisations à l'origine de la plainte, aux côtés de Greenpeace France et Notre Affaire à Tous.

Le tribunal a octroyé à chaque association 8 000 € de dommages et intérêts, plus 15 000 € au total pour couvrir les frais de justice. Ce montant représente une somme dérisoire pour une entreprise dont le chiffre d'affaires annuel dépasse les 200 milliards d'euros. Néanmoins, les activistes et les experts juridiques estiment que le véritable impact ne réside pas dans l'argent, mais dans le précédent créé : les entreprises ne peuvent plus se cacher derrière des slogans marketing qui promettent le salut climatique sans le concrétiser.

TotalEnergies n'a pas encore commenté publiquement le verdict.


Un fossé entre les paroles et la réalité

L'affaire portait sur le rebranding spectaculaire de l'entreprise en 2021 – de « Total » à « TotalEnergies » – et son affirmation ambitieuse de vouloir devenir « un acteur majeur de la transition énergétique ». L'entreprise s'était engagée à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. Mais le tribunal a examiné de plus près la situation et a constaté un écart flagrant entre ses promesses et ses pratiques.

Alors que l'entreprise se vantait d'investissements dans les énergies renouvelables, ces projets ne représentaient qu'une part infime de ses activités. La majeure partie de ses bénéfices provient toujours de l'extraction de pétrole et de gaz – et ce pan de l'activité est en croissance, et non en déclin.

Les juges ont estimé que TotalEnergies avait trompé les consommateurs en parlant de neutralité carbone sans clarifier sa forte dépendance aux énergies fossiles, la cause même du changement climatique. En droit français, un tel comportement est qualifié de « pratique commerciale trompeuse ». Le tribunal a conclu que le message de l'entreprise pouvait facilement fausser la compréhension des consommateurs quant à sa performance environnementale réelle.

Bien que les juges aient rejeté les plaintes concernant les allégations de TotalEnergies sur le gaz fossile et les biocarburants, ils ont tracé une ligne nette concernant le discours généralisé de « neutralité carbone » de l'entreprise. Cela, a déclaré le tribunal, n'était que pure illusion.


Une répression européenne plus large

Cette décision ne se produit pas de manière isolée. Partout en Europe, les régulateurs et les tribunaux resserrent la vis sur le « greenwashing » des entreprises. Des compagnies aériennes telles que KLM et Lufthansa ont déjà été épinglées pour des allégations douteuses concernant le « vol durable ».

Mais l'affaire française contre TotalEnergies va plus loin. Elle cible directement un producteur de combustibles fossiles – la source de la pollution que d'autres industries tentent de compenser. « C'est un grand pas pour la responsabilité climatique », a déclaré ClientEarth, une organisation caritative juridique qui a soutenu l'affaire. « Les publicités de #greenwashing du géant des énergies fossiles TotalEnergies ont été jugées illégales. »

La décision pourrait également donner un nouveau souffle à la « Directive sur les allégations vertes » de l'UE, actuellement au point mort, une loi visant à harmoniser les règles et les sanctions en matière de marketing environnemental dans l'ensemble du bloc. En attendant son adoption, les tribunaux nationaux comme celui de Paris passent à l'action, utilisant les lois de protection des consommateurs pour maîtriser les discours d'entreprise trompeurs.

Et les effets d'entraînement ne s'arrêteront pas là. Les analystes de l'industrie préviennent que d'autres géants pétroliers – Shell, BP et Eni parmi eux – sont désormais confrontés au risque de contentieux « copier-coller ». Nombre de ces entreprises ont construit leur image de marque autour de slogans similaires de « zéro émission nette ». Elles pourraient désormais devoir reformuler leurs promesses avec des données concrètes et des clauses plus précises, ou risquer un jugement similaire devant les tribunaux.

Parallèlement, TotalEnergies n'est pas tirée d'affaire. Une enquête pénale distincte concernant la même campagne publicitaire est toujours en cours à Nanterre, et cette affaire pourrait entraîner des sanctions beaucoup plus lourdes.


Un tournant pour le discours climatique des entreprises

Cette décision intervient à un moment critique. Le monde manque de temps pour freiner les pires impacts du changement climatique, et la patience du public face aux promesses vides s'amenuise. En traçant une ligne claire entre l'aspiration et la tromperie, le tribunal de Paris a contraint l'un des plus grands pollueurs mondiaux à faire face à ses responsabilités.

En termes simples, les juges ont dit aux entreprises du monde entier : si vous parlez d'écologie, vous feriez mieux d'agir. Les promesses vides ne suffiront plus.

Pendant des décennies, les compagnies pétrolières ont poli leur image avec des touches de vert et une rhétorique pleine d'espoir. Aujourd'hui, avec ce verdict historique, cette ère pourrait s'estomper rapidement. Le message ne saurait être plus clair : ne vendez pas des rêves d'un avenir plus propre à moins d'être prêts à les concrétiser.

Ceci n'est pas un conseil en investissement

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