
Sommet européen : défense continentale contre les drones et prêt de 140 milliards d'euros à l'Ukraine lancés après des perturbations dans des aéroports danois
L'Europe transforme son ciel en champ de bataille alors que les drones redéfinissent la défense
Le sommet de Copenhague passe de l'unité symbolique à une planification de défense concrète, soutenue par un bouclier financier de 140 milliards d'euros
COPENHAGUE — Au cours des dernières semaines, des drones non identifiés survolant le Danemark ont contraint des aéroports à fermer et ont secoué des postes militaires. Ces incidents n'étaient pas spectaculaires par leur ampleur, mais ils ont provoqué une onde de choc au sein des instances sécuritaires européennes. Au moment où les dirigeants se sont réunis à Copenhague, la question n'était pas de savoir si la menace était sérieuse, mais à quelle vitesse l'Europe pourrait transformer son ciel en forteresse.
Le sommet, tenu sous haute sécurité avec des renforts alliés gardant le site, a marqué le plus grand changement stratégique de l'Europe depuis la Guerre froide. Les dirigeants de 27 nations sont arrivés avec un message sombre, répercuté par la Première ministre danoise Mette Frederiksen : « C'est notre plus grand défi de sécurité depuis la Seconde Guerre mondiale. » Et cette fois, le danger ne réside pas dans des chars se massant à la frontière, mais dans le lent et incessant ruissellement d'une guerre hybride déjà au-dessus de nos têtes.
Le nouveau plan d'action comporte deux volets. Premièrement, un vaste projet de défense aérienne et spatiale continentale visant une pleine capacité opérationnelle d'ici 2030. Deuxièmement, une manœuvre financière qui utilise 210 milliards d'euros d'actifs russes gelés comme garantie pour la survie de l'Ukraine. Pris ensemble, le message est clair : l'Europe a compris que la protection de son ciel exigera non seulement des radars et des intercepteurs, mais aussi une ingénierie financière créative qui contourne les obstacles budgétaires traditionnels.
Comment des drones à 2 000 dollars neutralisent des missiles à 3 millions d'euros
L'urgence de Copenhague n'a pas été déclenchée par une attaque spectaculaire, mais plutôt par la facilité déconcertante avec laquelle des drones bon marché ont interrompu le trafic aérien. Les aéroports danois ont gelé leurs opérations. Des intrusions similaires ont secoué des sites militaires en Pologne et en Estonie. Aucun des drones ne transportait d'explosifs. Ils n'en avaient pas besoin. Des quadricoptères disponibles dans le commerce ont révélé des lacunes béantes dans les défenses aériennes européennes, qui représentent des milliards d'euros.
Voici le problème : les systèmes de missiles européens sont conçus pour des menaces de haute intensité comme les roquettes balistiques. Chaque tir d'intercepteur coûte plusieurs millions d'euros. En lancer un sur un drone à 2 000 dollars et la guerre économique de Moscou ressemble soudain à une bonne affaire. Des commandants ukrainiens ont déjà averti que des essaims de drones à bas coût peuvent épuiser les stocks d'intercepteurs coûteux en quelques semaines, laissant des sites critiques sans défense.
L'aéroport de Copenhague est désormais équipé de radars spéciaux et de patrouilles alliées. Mais ce ne sont que des palliatifs. Le véritable plan, discuté dans les couloirs du sommet, implique ce que Bruxelles appelle « quatre lignes de défense » : un mur de drones, des boucliers antimissiles intégrés, un flanc oriental renforcé et un « bouclier spatial » soutenu par satellite.
Les murs n'arrêtent pas les essaims
L'idée d'un « mur de drones » a rapidement suscité des réticences. Le président français Emmanuel Macron a rappelé à ses homologues que l'Europe n'est pas confrontée à un siège médiéval. « C'est une confrontation avec la Russie », a-t-il déclaré, soulignant la nécessité de défenses étagées et connectées plutôt que de barrières statiques.
Les leçons tirées du champ de bataille ukrainien le confirment. Arrêter les drones ne dépend pas de la taille du mur. Il s'agit de la vitesse — les secondes entre la détection d'un intrus et le tir. Cela implique des détecteurs de fréquences radio, des capteurs thermiques et multispectraux, des logiciels d'identification automatisée et, surtout, des contre-mesures à bas coût. Les brouilleurs, les lasers et même les canons antiaériens à l'ancienne entrent tous en jeu. L'important est de maintenir le rapport coût-efficacité du côté de l'Europe.
Des exercices de l'OTAN ont montré que l'intégration des centres de commandement transfrontaliers — de sorte que les radars danois puissent, par exemple, guider les brouilleurs polonais — offre une bien meilleure valeur ajoutée que le simple achat de plus de missiles. La même logique s'applique à l'espace. Les satellites européens constituent un patchwork de constellations militaires et commerciales. Sans intégration, ils ne peuvent pas transmettre d'alertes en temps réel aux équipes au sol. Le nouveau plan fusionnerait ces flux, transformant les aéroports en nœuds d'un réseau de surveillance à l'échelle du continent.
Geler l'argent de la Russie pour financer l'Ukraine
Pendant que les généraux débattaient des radars et des lasers, les ministres des Finances ont élaboré ce qui pourrait devenir l'un des outils les plus controversés de l'Europe. Bruxelles souhaite lever 140 milliards d'euros de prêts pour l'Ukraine, non pas en confisquant les réserves russes gelées, mais en utilisant les intérêts générés par ces actifs. La majeure partie des 210 milliards d'euros est déposée chez Euroclear en Belgique.
Cette astuce ingénieuse contourne le champ de mines juridique d'une saisie pure et simple, mais elle n'enrage pas moins Moscou, qui l'a qualifiée de « vol ». La Russie menace de poursuites judiciaires et de contre-sanctions, bien que les capitales européennes soutiennent que l'utilisation des flux de revenus plutôt que du capital leur assure une base juridique plus solide.
Malgré tout, les risques ne sont pas anodins. Des représailles contre les actifs européens à l'étranger, de longues batailles judiciaires et une confiance ébranlée dans les réserves en euros pourraient en découler. Certaines banques centrales d'Asie et du Golfe ont déjà murmuré qu'elles envisageaient de transférer de petites portions de leurs réserves hors d'Europe. Ce type de mouvement n'entraînera pas de panique, mais il sème les graines du doute qui pourraient germer sur plusieurs années.
La Hongrie, dernier bastion
Toutes les frictions à Copenhague ne venaient pas de l'extérieur. La Hongrie a une fois de plus bloqué les négociations d'adhésion de l'Ukraine à l'UE, créant la fracture politique la plus nette du sommet. Incapables de rallier Budapest, les juristes de l'UE envisagent des contournements — en utilisant des votes à la majorité qualifiée sur des questions secondaires pour outrepasser la Hongrie tout en faisant progresser l'aide à l'Ukraine.
Cette impasse est plus qu'un casse-tête bureaucratique. C'est un test de résistance pour l'UE elle-même. Si un État membre peut prendre en otage 26 autres, la réponse de l'Europe aux crises semble fragile. Mais si Bruxelles trouve un moyen de contourner le veto, cela prouvera que l'union peut s'adapter sous pression. Quoi qu'il en soit, les dirigeants admettent en privé que la voie de l'Ukraine vers l'adhésion restera gelée jusqu'en 2026 au moins, même si le financement et la coordination de la défense s'accélèrent.
Avis aux investisseurs : l'espace aérien est le nouveau champ de bataille
Les marchés ont suivi Copenhague avec autant d'attention que les généraux. Les dépenses de défense en Europe sont sur le point de s'envoler — mais pas de la manière habituelle. Au lieu de simplement acheter plus de chars ou d'avions de chasse, les gouvernements investissent massivement dans des systèmes à forte composante logicielle capables de traquer, de brouiller et de neutraliser les drones à grande échelle. Cette orientation favorise les entreprises de taille moyenne qui fabriquent des radars passifs, des outils de guerre électronique et des intercepteurs à faible coût, plutôt que l'ancienne garde des fabricants de missiles.
Le secteur spatial est également voué à la consolidation. Le bouclier spatial européen prévu nécessite des constellations de satellites, de l'imagerie radar et des stations au sol sécurisées. Actuellement, ces éléments sont dispersés entre différents pays et entreprises privées. Attendez-vous à ce que Bruxelles pousse à des acquisitions conjointes pour tout lier ensemble.
Même les marchés civils en ressentiront les répercussions. Les aéroports et les centrales électriques pourraient bientôt être évalués sur leur « résilience aux drones », les assureurs ajustant les primes en fonction des défenses mises en place. Cela pourrait créer de nouvelles opportunités pour les produits d'assurance — et de nombreux maux de tête jusqu'à ce que les données actuarielles rattrapent leur retard.
Course contre la montre jusqu'en 2030
Le sommet s'est achevé avec des dirigeants se donnant jusqu'en décembre pour transformer de grands concepts en contrats, feuilles de route et règles concrets. Les stratèges de l'OTAN estiment que la Russie pourrait tester les défenses de l'Europe avant la fin de la décennie, de sorte que les calendriers qui s'étalaient autrefois sur des années sont désormais compressés en trimestres.
L'Ukraine n'est pas seulement la bénéficiaire de ces plans — c'est aussi le terrain d'expérimentation. Son champ de bataille est devenu la salle de classe de l'Europe pour la guerre des drones. Chaque tactique apprise là-bas sera réintégrée dans le système de défense du continent, un transfert de connaissances qui pourrait être encore plus important que la livraison de matériel.
Le succès ou l'échec dépendra des détails fastidieux mais décisifs : règles d'approvisionnement, partage transfrontalier des données et autorité légale pour abattre des engins non identifiés au-dessus des zones civiles. Les cieux européens sont en train d'être reprogrammés en un système d'exploitation vivant. La seule question est de savoir si Bruxelles peut le patcher plus vite que Moscou ne peut le pirater.
Avertissement : Cet article est à titre informatif uniquement et ne constitue pas un conseil en investissement. Les marchés comportent des risques, et les lecteurs sont invités à consulter des professionnels qualifiés avant de prendre des décisions financières.