La stratégie de la corde raide en bouteille - Les tarifs douaniers chinois sur le brandy marquent une nouvelle ère de commerce militarisé

Par
Xiaoling Qian
6 min de lecture

La politique du bord de l'abîme dans une bouteille : les droits de douane chinois sur les eaux-de-vie signalent une nouvelle ère de commerce militarisé

Dans l'ombre des échanges commerciaux mondiaux où la politique commerciale sert de plus en plus de guerre par procuration, le ministère chinois du Commerce a rendu son verdict final vendredi : des droits antidumping de 27,7 % à 34,9 % sur les eaux-de-vie de l'Union européenne, applicables à partir du 5 juillet. Pourtant, dans le même souffle, Pékin a tendu la main en exemptant les producteurs qui s'engagent à respecter des régimes de prix minimum allant de 46 ¥ à 613 ¥ par litre, selon la qualité.

Cette décision intervient à un moment crucial, quelques jours seulement avant la date limite du 9 juillet, date à laquelle le "tarif universel" temporaire de 10 % du président Trump sur les marchandises de l'UE pourrait grimper à un taux punitif de 50 %. Ces doubles pressions prennent l'Europe en étau, transformant ce qui aurait pu être des litiges commerciaux distincts en leviers interconnectés dans une nouvelle guerre froide économique.

UE et Chine (wikimedia.org)
UE et Chine (wikimedia.org)

L'esprit de représailles : le cognac pris entre deux feux

L'enquête sur les eaux-de-vie, lancée le 5 janvier suite à des plaintes de l'industrie nationale, n'a jamais été qu'une question de spiritueux. Les analystes la considèrent largement comme une réponse calculée de Pékin aux droits antisubventions de l'UE sur les véhicules électriques chinois – une mesure de représailles visant une exportation européenne symboliquement forte.

« Cela représente un ciblage stratégique de premier ordre », note un consultant commercial chevronné à Bruxelles. « En sélectionnant le cognac – majoritairement français, très médiatisé, mais ne représentant moins de 1 % des exportations totales de l'UE vers la Chine – Pékin maximise la pression politique tout en minimisant son propre préjudice économique. »

La chronologie est révélatrice. Les conclusions préliminaires de la Chine en octobre 2024 ont établi des marges de dumping de 30,6 % à 39,0 %, exigeant des dépôts des importateurs. Des pourparlers de haut niveau à Paris en juin ont abordé de manière explicite les litiges concernant les eaux-de-vie et les véhicules électriques simultanément, scellant leur lien dans les cadres de négociation.

Pour les grandes maisons comme Pernod Ricard, Rémy Cointreau et LVMH, dont les actions restent 30 à 35 % en dessous des sommets d'octobre 2024, tout dépend de la satisfaction des autorités chinoises par leurs « engagements ». Les ventes ont déjà chuté de 22 % depuis le début de l'année en raison de l'incertitude.

Turbulence atlantique : l'échéance américaine imminente

Alors que les négociateurs européens gèrent l'impasse sur les eaux-de-vie et les VE avec Pékin, une menace plus existentielle plane de l'autre côté de l'Atlantique. L'imposition par Trump en avril de droits de douane de 25 % sur l'acier et l'aluminium, suivie d'une taxe de 20 % sur les marchandises de l'UE, a été temporairement assouplie à un « tarif universel » de 10 % pendant une période de négociation de 90 jours se terminant le 9 juillet.

Les enjeux ont monté d'un cran le 3 juin lorsque Trump a signé une proclamation augmentant les droits de douane de la section 232 sur l'acier et l'aluminium à 50 % pour tous les fournisseurs, à l'exception du Royaume-Uni. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a signalé sa volonté d'accepter le tarif de base de 10 % mais exige des exemptions pour des secteurs stratégiques, notamment les produits pharmaceutiques, l'alcool, les semi-conducteurs et les avions commerciaux.

« Bruxelles fait face à un dilemme impossible », observe un économiste commercial basé à Francfort. « Céder à Washington tout en tenant bon face à Pékin, ou faire preuve de cohérence au prix d'une dévastation économique. Il n'y a pas d'échappatoire simple. »

Pour compliquer encore les choses, le Mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) de l'UE progresse vers une pleine mise en œuvre en janvier 2026, ajoutant une nouvelle couche de friction au commerce transatlantique malgré de récentes simplifications administratives.

Répercussions sur le marché : le paysage de l'investissement se transforme

Pour les investisseurs naviguant dans ce champ de mines géopolitique, les impacts sectoriels varient considérablement. Les constructeurs automobiles allemands font face à une issue binaire : le maintien du tarif universel de 10 % représente un statu quo gérable, tandis qu'une augmentation à 50 % pourrait réduire le bénéfice par action de l'exercice 2025 de 12 à 15 %.

Les producteurs américains d'acier et d'aluminium devraient bénéficier considérablement des droits de douane de 50 % de la section 232, qui doublent effectivement le prix plancher et poussent l'utilisation des capacités au-delà de 84 %. Les exportateurs européens à forte intensité carbone font face au double fardeau des coûts de conformité du MACF et des éventuels droits de douane américains, ce qui pourrait comprimer les marges de 150 à 250 points de base.

Le secteur des spiritueux de luxe offre peut-être la proposition risque-rendement la plus intrigante. Malgré la baisse de 22 % des ventes en Chine depuis le début de l'année et l'érosion de 30 à 35 % du cours des actions depuis octobre 2024, des engagements de prix réussis pourraient déclencher un rebond de soulagement et une reprise de l'EBITDA à un chiffre moyen pour l'exercice 2026.

Les nouvelles règles du commerce mondial

Ce qui se déroule dépasse la friction commerciale typique, représentant plutôt une refonte fondamentale de l'architecture commerciale mondiale. La volonté de Pékin de militariser des outils conformes à l'OMC pour des leviers géopolitiques est parallèle à l'approche du « tarif universel » de Washington, entraînant ses alliés dans son orbite.

« Nous assistons à la mort de la pure logique économique dans la politique commerciale », observe un stratège basé à Singapour. « Ces mesures ne visent pas principalement à protéger les industries nationales – elles visent à obtenir des concessions dans des domaines non liés. »

L'UE se trouve peut-être dans la position la plus précaire, prise en étau entre des hégémonies concurrentes tout en luttant pour maintenir sa propre souveraineté réglementaire par le biais de mécanismes comme le MACF. Les jours à venir révéleront si une spirale d'escalade à trois voies se matérialise ou si la détente prévaut.

La boussole du navigateur : le positionnement des investissements en période d'incertitude

Pour les gestionnaires de portefeuille confrontés à cette partie d'échecs multidimensionnelle, la planification de scénarios devient essentielle. Les probabilités de marché favorisent actuellement une détente de référence (60 % de probabilité), comprenant un tarif américain de 10 % avec des exemptions sectorielles, des droits de douane sur les eaux-de-vie annulés pour les maisons signataires et des négociations en cours sur les VE. Ce résultat verrait probablement l'euro stable face au dollar, un yuan chinois ferme et un baril de Brent se négociant entre 84 et 88 $.

Dans cet environnement, les stratèges identifient plusieurs opportunités intéressantes : des positions longues sur Pernod/Rémy, une exposition courte au cuivre par rapport à une exposition longue à l'acier en bobines laminées à chaud, et la vente de la volatilité EURUSD. Une spirale d'escalade plus préoccupante (20 % de probabilité) déclencherait un sentiment d'aversion au risque, pouvant faire chuter l'indice DAX allemand de 8 % et l'euro de 4 %, favorisant les positions longues sur les contrats à terme VIX et les positions courtes sur les constructeurs automobiles allemands.

Un scénario de surprise à la hausse (20 % de probabilité) comprenant un cadre pour revenir aux tarifs d'avant 2025 dans les 12 mois et un « grand accord » Chine-UE sur les VE et les eaux-de-vie déclencherait probablement un rallye des valeurs cycliques mondiales, renforcerait l'euro de 2 % et ferait grimper les actions de luxe d'environ 10 %.

Les investisseurs devraient rester vigilants face à plusieurs catalyseurs critiques : l'ordonnance finale du MOFCOM et la liste des engagements acceptés d'aujourd'hui, les annonces tarifaires potentielles de Trump à l'occasion de la fête de l'Indépendance, l'expiration de la trêve tarifaire le 9 juillet, et le sommet des dirigeants Chine-UE fin juillet.

Avertissement : Cette analyse reflète les opinions au 4 juillet 2025, est fournie à titre informatif uniquement et ne constitue pas une sollicitation d'achat ou de vente de titres. Les performances passées ne garantissent pas les résultats futurs. Les lecteurs sont invités à consulter des conseillers financiers pour des conseils d'investissement personnalisés.

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