
La Chine tend une branche d'olivier agricole alors que les guerres commerciales s'intensifient
La Chine tend une branche d'olivier agricole tandis que les guerres commerciales s'intensifient
Pékin mise sur la diplomatie alimentaire tandis que les alliés occidentaux se préparent à de nouveaux tarifs douaniers et que le retour de Trump redessine le commerce mondial.
À l'Assemblée générale des Nations Unies à New York, la Chine a montré un aperçu d'une approche plus conciliante. Loin des discours officiels et des séances photo, le Premier ministre Li Qiang et le Premier ministre canadien Mark Carney ont discrètement testé si l'agriculture pouvait ouvrir des portes que l'industrie avait fermées. Quelques heures après leur échange, les marchés étaient déjà en effervescence. Les contrats à terme sur le tourteau de colza canadien ont chuté de plus de trois pour cent, les traders pariant que les expéditions de canola, longtemps bloquées par les tarifs douaniers, pourraient bientôt retrouver le chemin de la Chine.
Cette réaction rapide en disait long. Pékin a appris à utiliser le commerce agricole comme un scalpel, faisant des concessions calculées pour relâcher la pression sans bouger sur ses lignes rouges industrielles.
Le canola devient une monnaie d'échange
Pour les agriculteurs canadiens, le canola n'est pas seulement une culture comme les autres. C'est une bouée de sauvetage d'une valeur de milliards de dollars canadiens (CAD) chaque année. Mais ce flux de céréales s'est tari lorsque Pékin a imposé un droit antidumping de 75,8 % sur les graines de canola canadiennes cet été, puis a récidivé en mars avec des droits de douane de 100 % sur le tourteau et l'huile de canola. Cette décision a durement frappé les Prairies.
Valeur des exportations canadiennes de canola vers la Chine avant et après les tarifs douaniers
Année | Valeur des exportations canadiennes de canola vers la Chine (en milliards de CAD) | Remarques |
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2024 | ~4,9 | Avant l'imposition des importants tarifs de 2025 ; cette valeur inclut les graines, l'huile et le tourteau de canola. |
2025 (à partir de mars) | Considérablement réduite (proche de zéro pour l'huile et le tourteau) | La Chine a imposé des droits de douane de 100 % sur l'huile et le tourteau de canola canadiens à compter du 20 mars 2025, rendant les exportations prohibitives. |
2025 (à partir d'août) | Marché effectivement fermé pour tous les produits du canola | La Chine a imposé un droit de 75,8 % sur les graines de canola canadiennes à compter du 14 août 2025, fermant de fait le marché pour tout le canola canadien. |
Néanmoins, la Chine s'est laissé une marge de manœuvre. Les droits sont techniquement « préliminaires » et doivent durer jusqu'en 2026, ce qui donne à Pékin la possibilité de s'adapter si la politique ou l'économie l'exigent. La chute du marché de cette semaine a reflété précisément cela : les traders pressentent que la Chine pourrait assouplir les restrictions, peut-être par des quotas ou des licences, sans perdre la face.
« Les prix du tourteau de colza ont chuté aujourd'hui après les discussions sino-canadiennes », a noté Zhang Deqiang, analyste chez Sublime China Information. « Le marché s'attend à des signaux de reprise partielle du commerce, ce qui améliorerait l'approvisionnement à l'avenir. »
L'agriculture confère à Pékin un avantage que les secteurs industriels n'ont pas. Les importations alimentaires ont un impact direct sur les électeurs dans les nations démocratiques, en particulier les agriculteurs, qui exercent une influence politique disproportionnée. Et la Chine a déjà montré qu'elle pouvait s'approvisionner ailleurs, ayant récemment acheté plus d'un demi-million de tonnes de canola australien. Cette flexibilité permet à Pékin de maintenir la pression tout en faisant miroiter l'espoir d'un accès rétabli.
Les lignes industrielles restent rigides
Alors que le secteur agricole montre des signes de compromis, le commerce industriel reste dans l'impasse. La surtaxe canadienne de 100 % sur les véhicules électriques chinois, imposée l'année dernière, reste intacte et en cours d'examen, mais rencontre peu de pression pour être modifiée. Carney lui-même a souligné ce point, insistant sur l'alignement d'Ottawa avec les tarifs douaniers américains, en particulier dans l'acier.
Cet alignement n'est pas accidentel. Avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche et l'imminence de la révision de l'AEUMC en 2026, la marge de manœuvre du Canada s'est considérablement réduite. Toute concession à Pékin sera soigneusement synchronisée avec l'évolution du calcul commercial de l'Amérique du Nord.
L'AEUMC, ou Accord États-Unis-Mexique-Canada, est un accord commercial entre les États-Unis, le Mexique et le Canada. Il a remplacé l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), modernisant les règles commerciales pour ces nations.
L'Europe se retrouve dans un exercice d'équilibrisme similaire. Lorsque Li Qiang s'est entretenu avec la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le 24 septembre, les deux parties ont joué sur le symbolisme – le 50e anniversaire des relations Chine-UE – tout en évitant les points de friction. Elles ont souligné la coopération sur le climat et les technologies vertes, même si Bruxelles préparait de nouveaux droits de douane sur les véhicules électriques chinois qui pourraient atteindre 35 %.
Bruxelles marche sur une ligne de crête
Pékin souhaite que les différends commerciaux soient perçus comme des négociations techniques, et non comme des batailles sur des systèmes politiques. Li Qiang a exhorté Mme von der Leyen à éviter la « politisation et la sécurisation » des questions économiques – un coup de griffe clair envers les dirigeants occidentaux qui considèrent de plus en plus les politiques industrielles chinoises comme des menaces stratégiques.
Bruxelles, cependant, a adopté l'ambiguïté. D'une part, elle encourage la coopération sur des priorités communes comme le climat. D'autre part, elle poursuit ses mesures de défense commerciale pour protéger les industries européennes. Les fonctionnaires de l'UE appellent en privé cette approche la « double voie » : s'engager là où c'est possible, défendre là où c'est nécessaire. Le statut du bloc en tant que premier partenaire commercial de la Chine en matière de biens lui confère à la fois un levier et une exposition.
Tableau : Aperçu du commerce de biens UE-Chine (2013-2025)
Dimension | Chiffres clés et tendances |
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Échelle globale (2024) | Exportations : ~213 Md€ ; Importations : ~519 Md€ ; Déficit : ~306 Md€ |
Tendance du déficit (2013-2025) | ~104 Md€ (2013) → pic ~397 Md€ (2022) → ~291 Md€ (2023) → ~306 Md€ (2024) ; hausse modérée début 2025 |
Indices commerciaux (2013-2024) | Exportations : 100 (2013) → ~144 (2022-2023) ; Importations : 98 (2016) → ~184 (2022) |
Classement des partenaires (2024) | La Chine = premier partenaire d'importation de l'UE (~21 % des importations extra-UE) ; 3e destination d'exportation (~8 %) |
Flux mensuels (2023-2024) | Exportations : ~19,2 Md€ (janv. 2023) → ~16,8 Md€ (déc. 2024) ; Importations : ~46,4 Md€ → ~44,1 Md€ ; Déficit ~27-29 Md€ fin 2024 |
Composition des échanges (importations, 2024) | ~97 % de produits manufacturés : Machines et véhicules (~55 %), Autres produits manufacturés (~34 %), Produits chimiques (~8 %) ; Produits primaires ~2-3 % |
Composition des échanges (exportations, 2024) | ~87-88 % de produits manufacturés : Machines et véhicules (~51 %), Autres produits manufacturés (~20 %), Produits chimiques (~17 %) ; baisses pour les médicaments et les véhicules automobiles par rapport à 2023 |
Contexte du commerce mondial (2023) | Chine : premier exportateur mondial (~3,1 Tn€, ~17,5 %) et importateur majeur (~2,36 Tn€, ~12,8 %) ; UE : parmi les principaux acteurs du commerce mondial ; UE-Chine parmi les flux bilatéraux les plus importants |
Répartition des membres de l'UE | Allemagne et Pays-Bas = les plus grands nœuds bilatéraux ; la plupart des membres de l'UE enregistrent des déficits ; seuls quelques-uns ont affiché des excédents en 2024 |
Ce que les marchés surveillent
Les effets d'entraînement sont immédiats. Les analystes estiment désormais à environ 70 % la probabilité que la Chine et le Canada rétablissent au moins une partie de leurs échanges de canola dans les mois à venir. Cela atténuerait la pression sur les agriculteurs canadiens et réduirait les coûts des aliments pour animaux en Chine, même si cela pourrait éroder les primes dont bénéficient actuellement les exportateurs australiens.
L'histoire des véhicules électriques est différente. Avec des tarifs empilés en Amérique du Nord, en Europe et aux États-Unis, les fabricants chinois sont confrontés à des options de plus en plus limitées sur les marchés développés. C'est une mauvaise nouvelle pour les constructeurs automobiles de Pékin, bien que cela protège relativement les producteurs canadiens et américains.
Pour les investisseurs, la distinction est claire. Les entreprises agricoles devraient y gagner si le commerce reprend, tandis que les constructeurs automobiles liés à la Chine restent en mode défensif.
La vue d'ensemble
Les gestes agricoles de la Chine servent plusieurs objectifs à la fois. Ils montrent de la bonne foi sans trop céder, ciblent des groupes politiquement sensibles dans les démocraties occidentales et préservent un levier pour des batailles plus importantes sur la technologie et l'industrie. Pour le Canada, cette danse reflète la vérité inconfortable de la politique des puissances moyennes : Ottawa ne peut s'éloigner trop de l'ombre de Washington, surtout avec les renégociations de l'AEUMC qui approchent.
L'Europe, quant à elle, illustre ce à quoi pourrait ressembler une stratégie à long terme : maintenir le dialogue tout en se préparant à des frictions qui ne disparaissent jamais complètement. Cette double voie pourrait être la seule solution durable.
Bien sûr, rien de tout cela ne garantit un changement durable. La détente actuelle reste provisoire, et des litiges plus larges concernant la politique industrielle, les subventions et la concurrence stratégique se profilent à l'horizon. Si ceux-ci ne sont pas résolus, la bonne volonté agricole pourrait se révéler éphémère.
Pour l'instant, cependant, les marchés continueront d'analyser chaque poignée de main, chaque signe de flexibilité, à la recherche d'indices sur la direction que prendra cette partie d'échecs commerciale à enjeux élevés.
Thèse d'investissement interne
Catégorie | Détails |
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Point de vue de la direction (Opinions de l'auteur) | 1. Canada-Chine : Mini-détente probable et mise en scène dans l'agriculture (canola), pas dans les VE/acier. Les droits préliminaires de la Chine ont exclu le canola canadien, mais la réaction du marché suggère une marge de manœuvre. 2. Canada-États-Unis : Ottawa maintiendra l'alignement sur les VE/acier avec Washington, surtout via la révision de l'AEUMC en 2026. La surtaxe sur les VE pourrait subir des ajustements, mais pas d'abrogation. 3. UE-Chine : Le dialogue public (détente) se poursuivra parallèlement aux litiges commerciaux privés (« sourires à New York ; dépôts de plaintes à Bruxelles »). |
Événements clés récents (Impact sur les prix) | - Discussions Carney-Li (NY) : Constructives ; ont couvert le canola, les produits de la mer, les VE. Les contrats à terme sur le tourteau de canola en Chine ont chuté de 3,1 %. - Droits de douane chinois : Droit antidumping provisoire de 75,8 % sur les graines de canola canadiennes + droits de 100 % sur le tourteau/l'huile. Enquête prolongée jusqu'au 9 mars 2026. - Diversification chinoise : COFCO a acheté ~540 kt de canola australien, montrant des options d'approvisionnement alternatives. - Droits de douane canadiens : La surtaxe de 100 % sur les VE fabriqués en Chine et de 25 % sur l'acier/l'aluminium reste la base de référence en cours d'examen. - Droits de l'UE : Des droits compensateurs définitifs sur les BEV chinois (jusqu'à ~35 %) sont en vigueur ; un groupe spécial de l'OMC est actif. |
Causes profondes (Durabilité) | - Collision des politiques industrielles (VE/métaux soutenus par l'État chinois vs. réduction des risques occidentaux). - L'agriculture utilisée comme une soupape de pression réversible par Pékin. - La politique chinoise d'Ottawa conditionnée par l'importance de la révision de l'AEUMC en 2026. - L'UE fonctionne sur un système à deux voies : l'optique du dialogue + la réalité de la défense commerciale. |
Scénarios (6-12 mois, Probabilités) | A) Mini-détente agricole (Cas de base) : Quotas de canola/réduction des dépôts. La base de l'ICE canola se resserre ; le tourteau chinois s'adoucit. Tarifs VE/acier inchangés. B) Stagnation du statu quo : Pas de soulagement ; l'Australie comble le vide ; le broyage/les exportations canadiens sont réacheminés. C) Escalade : Les discussions s'aigrissent ; la Chine prolonge/augmente les mesures. Prix du canola volatils. |
Expressions commerciales (Angles de positionnement) | Oléagineux : Long ICE canola (RSX25) / short CBOT tourteau de soja (SMZ25) pour une mini-détente. Long GrainCorp (GNC AU) sur les achats australiens de la Chine. Broyeurs en haltère : Long Bunge (BG) / short ADM. Autos/VE : Neutre à baissier sur les volumes d'OEM chinois vers le Canada. Les droits de l'UE sont un frein plus important pour BYD/SAIC. Métaux : Les noms des métaux canadiens nationaux (STLC.TO, ASTL) conservent leur protection tarifaire. FX : La détente sur le canola est légèrement favorable au CAD. |
Catalyseurs et indicateurs clés | - Avis du MOFCOM sur l'enquête antidumping sur le canola (toute modification est un signal « long canola »). - Modifications de l'ASFC/Finances Canada aux processus de remise des VE/acier. - Nouvelles mesures de défense commerciale de la Chine par la CE/EUR-Lex. - Flux de réservation de COFCO pour des cargaisons de canola australien supplémentaires. |
Opinions "piquantes" (Commentaires tranchants) | - Les tarifs sur les VE sont une « taxe sur le temps » qu'Ottawa paiera pour rester aligné avec les États-Unis. - Le canola est la « détente la moins chère » pour Pékin afin de montrer sa bonne volonté. - Stratégie de l'UE : « collaborer publiquement, litiger en privé ». |
Matrice des risques | - Choc macroéconomique sur les matières premières (ex: météo en Amérique du Sud). - Choc sécuritaire (ex: incident dans le détroit de Taïwan). - Surprises de l'AEUMC liant le soulagement des VE aux concessions canadiennes. |
Phrases d'action concrètes | - Long canola/short tourteau de soja pour une mini-détente. - Posséder la logistique australienne du canola (GNC AU) ; suivre les ordres stop sur les nouvelles de détente canadienne. - Rester neutre/sous-pondéré sur les actions d'exportation de VE chinois vers le Canada. - Broyeurs en haltère (BG > ADM) pendant le réacheminement canadien. |
CECI N'EST PAS UN CONSEIL EN INVESTISSEMENT