Le Canada perd 41 000 emplois en juillet, l'emploi des jeunes atteignant son plus bas niveau en 27 ans

Par
Yves Tussaud
10 min de lecture

Le Carrefour de l'Emploi au Canada : Quand les Emplois d'Été Disparaissent

Alors que 41 000 emplois disparaissent en juillet, les jeunes Canadiens sont confrontés à leur pire crise de l'emploi depuis des décennies, révélant des failles plus profondes dans l'économie post-pandémique du pays.

TORONTO — Le dernier rapport sur l'emploi est tombé comme un coup de froid en plein été : le Canada a perdu 41 000 emplois en juillet. Mais derrière ce chiffre choc se cache un changement bien plus préoccupant, qui signale une transformation fondamentale du paysage économique national.

L'emploi des jeunes, en particulier, a été durement touché. Le taux d'emploi des Canadiens âgés de 15 à 24 ans est tombé à seulement 53,6 %, son niveau le plus bas depuis 1998, en dehors de la pandémie. Avec 34 000 jeunes privés des emplois d'été qui servent souvent de passerelle entre l'école et le travail à temps plein, une voie établie vers la mobilité économique est en train de s'éroder.

Bien que le taux de chômage national soit resté stable à 6,9 %, cela ne révèle qu'une partie de l'histoire. Sur les 1,6 million de Canadiens actuellement à la recherche d'un emploi, près d'un sur quatre — 23,8 % — est au chômage depuis plus de six mois. C'est la proportion la plus élevée de chômage de longue durée en plus de vingt ans.

Canada Demographics 2023 (wikimedia.org)
Canada Demographics 2023 (wikimedia.org)


Les Tensions Commerciales Jettent une Longue Ombre

Sous la surface des pertes d'emplois de juillet se cache une histoire plus complexe : l'évolution des dynamiques commerciales, en particulier les droits de douane américains persistants, ont modifié le paysage manufacturier canadien. Ces tensions ont créé une sorte d'« économie de l'ombre », où les entreprises hésitent à investir ou à embaucher en raison de l'incertitude persistante.

Selon le PMI S&P Global Canada Manufacturing, le secteur manufacturier canadien s'est désormais contracté pendant six mois consécutifs. L'emploi au sein du secteur diminue, les principaux indices se maintenant à 46,2, bien en dessous du seuil de croissance. Il ne s'agit pas seulement d'un ralentissement temporaire, mais d'un signe de changement structurel dans l'économie industrielle du Canada.

Pourtant, malgré la morosité, des signes de résilience apparaissent. Le secteur manufacturier a ajouté 5 300 emplois en juillet, marquant sa deuxième hausse mensuelle. Le transport et l'entreposage ont été des secteurs particulièrement performants, ajoutant 26 000 postes — la première augmentation du secteur depuis janvier — stimulés par une forte demande américaine pour les exportations canadiennes.

« La reprise manufacturière laisse entrevoir une stabilisation dans certains sous-secteurs », a noté un analyste de l'industrie. « Mais d'une année sur l'autre, le secteur compte toujours 9 400 emplois en moins. Ce que nous observons est une adaptation sélective, et non une reprise complète. »


Le Repli du Secteur Privé S'Intensifie

Les pertes d'emplois de juillet ont été presque entièrement concentrées dans le secteur privé, qui a supprimé 51 000 postes à temps plein. Ce net recul indique une inquiétude croissante parmi les entreprises alors qu'elles sont aux prises avec l'incertitude réglementaire et les vents contraires économiques.

Les secteurs les plus touchés ? L'information, la culture et les loisirs, qui ont perdu 29 000 postes, et la construction, en baisse de 22 000. Ce sont des secteurs qui prospèrent habituellement en été, ce qui rend leurs déclins particulièrement alarmants.

Le ralentissement du secteur de la construction est particulièrement préoccupant. Traditionnellement, il a absorbé un grand nombre de jeunes travailleurs pendant la haute saison de construction. Son recul, combiné à la baisse de l'emploi des jeunes, signale une rupture des schémas d'embauche saisonniers habituels.


Un Délicat Exercice d'Équilibriste pour la Politique Monétaire

La croissance des salaires a ajouté une autre couche de complexité. Les salaires horaires moyens ont augmenté de 3,3 % en juillet, suffisamment pour maintenir les préoccupations inflationnistes sur la table, même si la croissance de l'emploi faiblit.

Les investisseurs et les analystes surveillent de près la Banque du Canada (BdC). Les chances d'une réduction de taux d'intérêt de 25 points de base lors de sa réunion de septembre sont passées à environ 21 %, contre un niveau quasi nul il y a quelques semaines à peine. Mais avec une inflation sous-jacente toujours à 3,1 %, les décideurs sont pris entre le soutien à la croissance de l'emploi et le contrôle des prix.

« L'économie est léthargique et les perspectives de croissance restent limitées », a expliqué un stratège de marché. « Ces données appuient l'argument en faveur d'une baisse de taux, mais les pressions salariales pourraient retarder toute action immédiate. »


Ce que Cela Signifie pour les Investisseurs

Pour les investisseurs, le rapport sur l'emploi de juillet signale un point tournant potentiel. La combinaison rare d'un affaiblissement de l'emploi et d'une augmentation des salaires nécessite une approche plus stratégique de la gestion de portefeuille.

Le transport et l'entreposage, stimulés par la demande des partenaires commerciaux américains, peuvent présenter des opportunités intéressantes pour ceux qui cherchent une exposition au commerce transfrontalier. Le secteur manufacturier, bien que toujours sous pression, offre un potentiel dans les entreprises qui se sont ajustées avec succès aux nouvelles dynamiques commerciales.

Dans le même temps, le dollar canadien (CAD) pourrait subir une pression à la baisse supplémentaire. Si le marché du travail continue de s'affaiblir tandis que la Réserve fédérale américaine maintient son orientation accommodante, les investisseurs pourraient devoir envisager de couvrir leur exposition au CAD ou de planifier des trajectoires de taux d'intérêt divergentes.

La construction, malgré ses difficultés, n'est pas sans opportunités. Bien que les projets résidentiels ralentissent, les constructions d'infrastructures et industrielles — en particulier celles liées aux exportations — pourraient bénéficier d'une activité commerciale soutenue.


La Vue d'Ensemble : Un Défi à Long Terme pour le Marché du Travail

La tendance la plus préoccupante est peut-être l'augmentation du chômage de longue durée. Non observée à ces niveaux depuis les années 1990, elle suggère un déséquilibre croissant entre les compétences disponibles et les besoins des employeurs — une déconnexion qui pourrait persister bien après toute reprise économique.

L'effondrement de l'emploi des jeunes est particulièrement alarmant. Les jeunes travailleurs sont généralement une partie flexible et vitale de la main-d'œuvre, stimulant la consommation et soutenant l'expansion économique. Leur absence pourrait avoir des implications à long terme, allant de la formation retardée des ménages à la réduction des dépenses de consommation et à une croissance plus lente de la productivité.

Pour les investisseurs, ce changement pourrait servir d'indicateur avancé de changements démographiques et économiques plus profonds. Les secteurs qui dépendent fortement de la main-d'œuvre et des dépenses des jeunes — comme le commerce de détail et l'hôtellerie — pourraient faire face à des défis prolongés au-delà des cycles économiques habituels.


Perspectives : Naviguer dans la Transition

Le Canada semble entrer dans une nouvelle phase de transition économique, moins définie par une croissance ou un déclin général, et davantage par une réaffectation sectorielle spécifique. Dans cet environnement, le succès dépendra de l'identification des industries qui s'adaptent aux nouvelles réalités commerciales, tout en évitant celles qui dépendent de modèles d'emploi obsolètes.

Une intervention gouvernementale ciblée est probable, en particulier des programmes visant à lutter contre le chômage des jeunes et les pénuries de compétences de la main-d'œuvre. Ces efforts pourraient ouvrir de nouvelles opportunités d'investissement dans des domaines tels que les technologies de l'éducation, les plateformes de formation et les entreprises positionnées pour bénéficier des incitations à l'emploi.

La voie à suivre sera façonnée par l'interaction entre la relance budgétaire, la politique monétaire et l'évolution de la dynamique du travail. Pour les investisseurs, cela signifie repenser les stratégies, rester flexible et se concentrer sur les secteurs et les entreprises les mieux équipés pour prospérer dans l'environnement économique changeant du Canada.

Comme toujours, les décisions d'investissement doivent être fondées sur des recherches approfondies et des conseils professionnels. Les conditions économiques sont fluides, et la voie à suivre pourrait être très différente de celle parcourue.

Fiche d'Information

CatégorieDétails
Pertes d'Emplois (juillet)- Total : 41 000 emplois perdus
- Temps plein : 51 000 perdus
- Secteur privé : Majorité des pertes
- Jeunes (15-24 ans) : 34 000 perdus (taux d'emploi : 53,6 %, le plus bas depuis nov. 1998, hors COVID-19)
Taux de ChômageMaintenu à 6,9 % (nombre de demandeurs d'emploi inchangé par rapport à juin)
Répartition Sectorielle- Pertes : Information/culture/loisirs (-29 000), construction (-22 000)
- Gains : Transport/entreposage (+26 000), manufacturier (+5 300 ; toujours en baisse de 9 400 sur un an)
Chômage de Longue Durée23,8 % des 1,6 M de chômeurs (27 semaines et plus sans emploi ; le plus élevé depuis fév. 1998, hors COVID-19)
Croissance des SalairesSalaires horaires moyens en hausse de 3,3 % sur un an (légère augmentation par rapport à juin)
Taux de Licenciement1,1 % (inchangé sur un an malgré l'incertitude commerciale/tarifaire)
Facteurs Contextuels- Juin avait enregistré un gain inattendu de 83 000 emplois (juillet compense partiellement)
- Droits de douane américains affectant les secteurs sensibles à l'exportation (ex: PMI manufacturier contracté pendant 6 mois)
- Surplus de main-d'œuvre jeune
Opinions d'Experts- TD Securities : Correction après la flambée de juin, pas une tendance baissière
- BMO : Les tarifs douaniers posent un risque continu
- RBC : Prévoit une croissance modeste, pas de récession
Implications Politiques- 30 % de chances d'une baisse de taux de la BdC en septembre
- Mesures budgétaires (ex: programmes d'emploi pour les jeunes) probables
- Urgence des négociations commerciales avec les États-Unis
Indicateurs AvancésPMI manufacturier, ratio postes vacants/chômeurs, intentions d'embauche de la BdC, flux migratoires, données sur les cotisations sociales
Thèse d'Investissement
SectionPoints Clés
------------------------------
Vue d'EnsemblePremière preuve de ralentissement du marché du travail
Facteurs de FaiblesseChoc tarifaire, correction post-juin, afflux de main-d'œuvre jeune, salaires rigides
Politique et Contexte MacroLa BdC est susceptible de maintenir ses taux, soutien budgétaire attendu
Implications Cross-Actifs et Fiche de TradingBiais stratégiques et transactions

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