
Le Canada crée une Agence fédérale du logement de 13 milliards de dollars pour construire des logements sur des terres gouvernementales
Le pari de 13 milliards de dollars d'Ottawa sur le logement signale une aggravation de la crise du marché
Le gouvernement fédéral lance l'agence Build Canada Homes alors que l'accessibilité au logement atteint un point de rupture
Le Premier ministre Mark Carney a annoncé la création de Build Canada Homes, établissant une nouvelle agence fédérale du logement dotée de 13 milliards de dollars canadiens de capital initial. L'agence supervisera la construction de 4 000 logements sur six sites appartenant au gouvernement fédéral à Dartmouth (Nouvelle-Écosse), Longueuil (Québec), Ottawa, Toronto, Winnipeg et Edmonton, la construction devant commencer l'année prochaine.
« Le défi fondamental du marché du logement est qu'il est tout simplement trop difficile de construire », a déclaré M. Carney, décrivant le mandat de l'agence de fournir des incitations financières qui réduisent les coûts initiaux pour les constructeurs de logements abordables. Le Premier ministre a demandé à ses collègues du gouvernement d'identifier des terrains fédéraux supplémentaires au-delà des 88 propriétés disponibles de l'actuelle Banque foncière du Canada.
Build Canada Homes sera la principale agence fédérale supervisant les projets de logement abordable, intégrant un fonds de 1 milliard de dollars canadiens pour le logement de transition destiné aux personnes à risque d'itinérance et gérant le fonds de protection des loyers existant qui aide les groupes de logement communautaire à acheter des unités de location privées. L'agence définit le logement abordable selon les normes de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) – un logement coûtant moins de 30 % du revenu brut des ménages.
L'ancienne adjointe au maire de Toronto, Ana Bailão, qui a précédemment siégé au conseil d'administration de Toronto Community Housing, a été nommée PDG. L'agence privilégiera les méthodes de construction préfabriquée en usine, modulaire et en bois massif, M. Carney notant que ces approches permettent une production de masse en milieu contrôlé et un assemblage rapide sur site en quelques jours, permettant la construction hivernale. Un partenariat avec la Société d'habitation du Nunavut livrera 700 logements, dont 30 % seront construits hors site et expédiés vers le nord.
La construction modulaire est une méthode de construction innovante où des sections ou des modules entiers d'une structure sont fabriqués hors site dans un environnement d'usine contrôlé. Ce processus préfabriqué offre des avantages significatifs, notamment un achèvement plus rapide des projets, un contrôle qualité amélioré et une réduction des déchets par rapport à la construction traditionnelle sur site.
Cette intervention fédérale directe dans la construction de logements représente un changement significatif par rapport aux rôles gouvernementaux traditionnels, positionnant Ottawa comme un acteur actif du marché plutôt qu'un simple facilitateur de politiques.
Quand les marchés privés nécessitent une assistance publique vitale
Les chiffres sont éloquents. La Société canadienne d'hypothèques et de logement a soutenu environ 88 % des mises en chantier de logements locatifs spécialement conçus à cet effet en 2024 – une indication claire que les marchés privés ne peuvent à eux seuls fournir des logements abordables à l'échelle requise. Les taux de vacance nationaux tournent autour de 2,2 %, bien en deçà des niveaux de marché sains, tandis que les mises en chantier sont en déclin dans les grands centres urbains.
Mises en chantier de logements au Canada vs. Croissance démographique au cours de la dernière décennie
Sujet | Points clés | Période/chiffres |
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Relation globale | Les mises en chantier ont atteint des sommets historiques après 2020 mais ont été inférieures à la croissance démographique, aggravant l'offre par habitant en 2022-2024 ; l'écart s'est légèrement réduit à mesure que la croissance démographique ralentissait en 2025. | Pic post-2020 ; tension 2022-2024 ; assouplissement 2025 |
Mises en chantier nationales | Juillet 2025 : tendance sur six mois 263k (TSA) ; mensuel 294k ; au-dessus de la moyenne sur 10 ans mais volatile | Juillet 2025 |
Composition de la construction | Croissance axée sur les logements collectifs et locatifs ; le pipeline de condos devrait ralentir en 2025-2027 | Après 2020 jusqu'aux perspectives |
Mises en chantier régionales par habitant | Calgary près des sommets historiques ; Toronto au plus bas depuis 1996 ; Vancouver/Montréal soutenues par les logements collectifs | S1 2025 |
Croissance démographique | Gains records en 2022-2023, atteignant un pic proche de +1,1 % T/T ; ralentissement marqué au T1 2025 (total ~41,55 M) | Pic T3 2023 ; stable T1 2025 |
Moteurs de croissance | Migration internationale dominante ; accroissement naturel négatif | 2024-T1 2025 |
Impact par habitant | Les mises en chantier et les achèvements ont été en retard par rapport à la hausse migratoire ; les plus faibles dans les plus grandes RMR | 2022-2025 |
Base des données | Les mises en chantier de la SCHL et les estimations démographiques de Statistique Canada permettent une analyse des mises en chantier pour 1 000 habitants (2015-2025) | 2015-2025 |
Toronto, la plus grande région métropolitaine du Canada, est en passe d'enregistrer ses mises en chantier les plus faibles depuis environ 30 ans. Vancouver fait face à des contraintes similaires. Pendant ce temps, une croissance démographique record due à l'immigration et aux migrations interprovinciales continue de mettre sous pression un système déjà tendu.
Taux de vacance des logements locatifs dans les principales villes canadiennes
Ville/Région | Taux de vacance en 2024 (%) |
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Canada (National) | 2,2 |
Vancouver | 1,6 |
Toronto | 1,7 |
Montréal | 3,2 |
L'ancienne adjointe au maire de Toronto, Ana Bailão, nommée PDG de l'agence, apporte une expérience significative acquise auprès de Toronto Community Housing et dans le développement de stratégies de logement abordable. Sa nomination signale l'intention du gouvernement de tirer parti de l'expertise municipale dans la livraison de logements fédéraux.
Les chaînes de montage remplacent les chantiers de construction
Build Canada Homes représente un changement fondamental vers les méthodes de construction industrialisées. L'agence privilégiera les approches préfabriquées en usine, modulaires et en bois massif – des technologies qui peuvent réduire les délais de construction jusqu'à 50 % et les coûts d'environ 20 % par rapport aux méthodes traditionnelles.
Cette stratégie d'industrialisation va au-delà des gains d'efficacité. La production en usine permet une construction toute l'année dans le climat difficile du Canada, avec des modules achevés assemblés sur site en quelques jours plutôt qu'en plusieurs mois. Un partenariat avec la Société d'habitation du Nunavut illustre cette approche, avec 700 logements prévus partiellement construits hors site et expédiés vers le nord.
Le bois massif fait référence à une catégorie de produits du bois d'ingénierie, comme le bois lamellé-croisé (CLT), utilisé comme matériau de construction structurel. Cette méthode de construction innovante permet de bâtir des structures en bois hautes et durables, offrant une alternative au béton et à l'acier traditionnels.
L'accent mis sur les matériaux canadiens par le biais de la politique fédérale « Acheter canadien » ajoute une autre dimension. Tout en soutenant les fabricants nationaux face aux pressions tarifaires américaines, cette approche pourrait initialement augmenter les coûts, créant une tension entre les objectifs d'abordabilité et les objectifs de politique industrielle.
Les terres fédérales comme perturbateur du marché
L'accès de l'agence aux terres fédérales représente un avantage significatif sur le marché. En utilisant les quelque 90 propriétés de la Banque foncière publique du Canada et en identifiant des terres fédérales excédentaires supplémentaires, Build Canada Homes peut éliminer les coûts d'acquisition de terrains, souvent la dépense de développement la plus importante sur les grands marchés urbains.
Plus important encore, le contrôle des terres fédérales permet des permis simplifiés grâce à des approbations de portefeuille plutôt qu'à des examens de projets individuels. Les responsables gouvernementaux suggèrent qu'il existe une capacité d'aller au-delà des sites initiaux pour atteindre 45 000 unités sur les premiers portefeuilles de développement, bien que cela reste tributaire des capacités d'exécution et de la coopération municipale.
Les pressions mondiales sur le logement intensifient la réponse politique
L'intervention du Canada en matière de logement s'inscrit dans un contexte international plus large de pressions aiguës sur l'abordabilité. Les États-Unis enregistrent 50 % de locataires comme étant « accablés par les coûts », dépensant plus de 30 % de leurs revenus pour le logement. Les prix des maisons dans l'Union européenne ont augmenté de 58 % depuis 2010, les loyers augmentant de 28 % sur la même période.
Dernier ratio prix-revenu de l'OCDE pour le G7 ; plus élevé = moins abordable. Le dernier trimestre varie selon les pays : T2 2025 là où disponible, sinon T1 2025. Les chiffres sont les indices "HPI_YDH" de l'OCDE désaisonnalisés.
Pays | Dernier Trimestre | Ratio prix-revenu (2015=100) |
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Canada | 2025 T2 | 131,9 |
États-Unis | 2025 T2 | 128,6 |
Royaume-Uni | 2025 T2 | 101,8 |
Japon | 2025 T1 | 117,0 |
Allemagne | 2025 T1 | 110,8 |
France | 2025 T2 | 92,9 |
Italie | 2025 T1 | 86,9 |
Selon le dernier rapport trimestriel de l'OCDE, datant de novembre 2022, le Canada affichait le ratio prix des logements/revenus le plus élevé parmi les nations du G7 au T3 2022, à 148,16. L'Allemagne suivait avec un ratio de 140,6, et les États-Unis avec 139,7. Le ratio du Royaume-Uni était de 121,6. Le Japon et la France enregistraient des ratios plus modestes de 113 et 112,8, respectivement. L'Italie présentait les logements les plus abordables du G7, avec un ratio prix des logements/revenus de 92,4.
Les réponses politiques s'intensifient à l'échelle mondiale. L'Espagne a été le théâtre de manifestations nationales dans 40 villes, tandis que Barcelone a légalement confirmé une interdiction complète des locations touristiques d'ici 2028. Ces développements suggèrent que l'abordabilité du logement est devenue un problème politique central nécessitant une gestion gouvernementale active.
Implications pour le marché pour les investisseurs avisés
Le lancement de Build Canada Homes crée plusieurs thèmes d'investissement à surveiller. L'accent mis par l'agence sur la construction standardisée et préfabriquée en usine devrait bénéficier aux fabricants canadiens de bois d'œuvre, d'acier et de produits en bois massif. Les carnets de commandes pourraient se renforcer, bien que les marges puissent se compresser si les objectifs d'abordabilité limitent les prix réalisables.
Pour les promoteurs privés, le programme fédéral offre un risque réduit grâce à un capital moins cher, l'accès aux terrains publics et des approbations simplifiées. Cependant, les entreprises dépourvues de capacités de fabrication en usine ou de production de bois massif pourraient se trouver désavantagées dans les processus d'approvisionnement gouvernementaux.
Le Fonds de protection des loyers, géré par Build Canada Homes, permettra aux groupes de logement communautaire d'acheter des immeubles de location privés afin de maintenir l'abordabilité. Cela crée des opportunités d'acquisition pour les investisseurs spécialisés tout en pouvant restreindre l'offre pour les exploitants de logements locatifs traditionnels.
Les risques d'exécution pourraient compromettre des objectifs ambitieux
Malgré les avantages politiques, des défis d'exécution significatifs demeurent. Des goulots d'étranglement de main-d'œuvre persistent dans les métiers de la construction, chez les inspecteurs et dans la logistique de transport – des contraintes que la production en usine seule ne peut entièrement résoudre. Les processus de permis municipaux, bien que partiellement contournés par l'utilisation de terres fédérales, régissent toujours les services publics, l'entretien et les approbations finales.
L'approche d'approvisionnement « Acheter canadien », tout en soutenant l'industrie nationale, pourrait réduire la concurrence entre fournisseurs et augmenter les coûts à une période où les prix des intrants restent élevés en raison des pressions inflationnistes. Équilibrer les objectifs de politique industrielle avec les cibles d'abordabilité présente des défis constants.
Les observateurs du marché notent que la socialisation du risque de construction sur le bilan fédéral se produit précisément au moment où Ottawa fait face à des pressions fiscales plus larges dues aux perturbations commerciales liées aux tarifs douaniers et aux demandes d'infrastructure liées à la croissance démographique.
Stratégie d'investissement pour les traders professionnels
Plusieurs opportunités de positionnement émergent de ce changement de politique. Les investissements dans les logements locatifs spécialement conçus à cet effet dans les provinces sans contrôle des loyers et avec de forts schémas migratoires – particulièrement l'Alberta – bénéficient d'une offre insuffisante persistante combinée à un soutien de crédit fédéral et à des mesures d'allégement fiscal.
Migration interprovinciale nette vers l'Alberta, 2018-2024
Année (Période de référence) | Migration interprovinciale nette vers l'Alberta (Personnes) | Source |
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2022/2023 (Exercice financier) | 56 245 | |
2023 (Année civile) | 55 107 | |
2024 (Année civile) | 36 082 |
L'écosystème de la préfabrication présente des opportunités via des investissements en capital-investissement ou en crédit dans les entreprises fournissant les pipelines de développement de terrains publics. Les projets de reconversion de friches industrielles dans les municipalités qui prévoient des zones pour le développement d'immeubles de moyenne hauteur s'alignent également sur les priorités du gouvernement.
Inversement, le développement de condominiums de grande hauteur à Toronto et Vancouver sans couverture de préventes fait face à des coûts d'intrants élevés et à des risques d'absorption malgré le soutien politique.
Perspectives : Une transformation du marché
Build Canada Homes représente plus qu'une politique de logement ; elle signale l'émergence d'un écosystème de construction hybride public-privé. Le succès sera mesuré non seulement par le nombre d'unités livrées, mais aussi par la capacité de l'agence à passer des projets pilotes à des dizaines de milliers d'achèvements annuels.
La saison de construction 2026 fournira les premiers indicateurs de la viabilité du programme. Si les premiers sites obtiennent des approbations au niveau du portefeuille et démontrent une efficacité de conception standardisée, le modèle pourrait remodeler fondamentalement la livraison de logements au Canada.
Pour les investisseurs, la question clé demeure de savoir si cette intervention représente une gestion de crise temporaire ou un changement permanent de la structure du marché. Compte tenu de l'ampleur du déficit de logements au Canada et des pressions similaires à l'échelle mondiale, cette dernière option semble de plus en plus probable.
Avertissement : Cette analyse est basée sur les conditions actuelles du marché et les annonces politiques. Les performances passées ne garantissent pas les résultats futurs. Les lecteurs sont invités à consulter des conseillers financiers qualifiés pour des conseils d'investissement personnalisés.