
La banque numérique, un rêve brisé – Le géant régional suisse BLKB face à un exode de sa direction après le fiasco fintech de CHF 105 millions
Les rêves de la banque numérique s'effondrent : le géant régional suisse BLKB fait face à un exode de sa direction après un désastre fintech de 105 millions de francs suisses
Dans le paisible canton de Bâle-Campagne, un tremblement de terre bancaire secoue le paysage financier suisse. La Basellandschaftliche Kantonalbank (BLKB), un pilier de la finance régionale dont les actifs dépassent 34 milliards de francs suisses, a annoncé aujourd'hui un profond remaniement de sa direction après l'effondrement spectaculaire de son expérience de banque numérique, anéantissant plus de 105,5 millions de francs suisses de valeur actionnariale.
Le PDG de la banque, John Häfelfinger, le président du Conseil d'administration, Thomas Schneider, et le président de Radicant, Marco Primavesi, quitteront tous leurs fonctions en 2026, victimes d'une transformation numérique qui a mal tourné. Cette annonce marque un nouveau chapitre dans la liste croissante des échecs de la fintech en Suisse, soulevant des questions sur la viabilité des institutions traditionnelles qui se tournent vers des stratégies axées sur le numérique.
La chute d'un pionnier numérique : l'ambition face à la réalité
Lancée en grande pompe en 2023 comme la première néobanque durable de Suisse, Radicant incarnait la vision de la BLKB pour l'avenir : une institution axée sur le numérique qui attirerait des clients soucieux de l'environnement tout en s'étendant au-delà des frontières cantonales traditionnelles de la banque.
« La réalité est tombée catastrophiquement en deçà de la vision », explique un analyste bancaire familier de la situation. « Avec seulement 18 000 clients — une fraction des 100 000 nécessaires à sa viabilité — Radicant est devenue un gouffre financier. »
La dépréciation de 105,5 millions de francs suisses annoncée hier porte les dépréciations totales à 137 millions de francs suisses, évaluant de fait l'entreprise numérique à presque zéro. Malgré cette perte stupéfiante, la BLKB maintient que son bénéfice pour 2025 égalera celui de 2024, soit 166,4 millions de francs suisses, une projection accueillie avec scepticisme dans les milieux financiers.
Le président du Conseil d'administration, Thomas Schneider, a reconnu la responsabilité des difficultés de Radicant, tandis que John Häfelfinger a souligné son engagement à assurer une transition en douceur. Tous deux resteront en poste jusqu'à la nomination de leurs successeurs.
Anatomie d'un échec fintech : où Radicant a mal tourné
L'effondrement de Radicant suit un schéma de plus en plus familier dans le paysage suisse de l'innovation bancaire. La banque a tenté de construire une plateforme numérique complète englobant les services bancaires de base, la notation ESG et les services fiduciaires — le tout en interne plutôt que par le biais de partenariats.
Cette approche a créé une structure de coûts dépassant 50 millions de francs suisses par an sans les avantages de financement d'un bilan cantonal traditionnel. Les coûts d'acquisition de clients ont grimpé à plus de 800 francs suisses par client tout en générant moins de 90 francs suisses de revenus annuels — une équation fondamentalement insoutenable.
L'intégration d'activités fiduciaires traditionnelles par l'acquisition de Numarics a encore compliqué les choses, augmentant la charge de conformité juste au moment où la FINMA, l'autorité de surveillance des marchés financiers suisses, a commencé à renforcer sa surveillance des risques non financiers.
« Ils ont essentiellement recréé la structure de coûts d'une petite banque universelle sans les avantages correspondants », observe un ancien dirigeant de banque suisse qui a requis l'anonymat. « Le goodwill enregistré sur les acquisitions a largement dépassé les synergies réalistes. »
Le côté obscur de l'innovation suisse : un schéma se dessine
L'implosion de Radicant reflète plusieurs récentes catastrophes de la fintech suisse qui suggèrent des vulnérabilités systémiques dans l'approche du pays en matière d'innovation financière.
En mars 2025, la FINMA a fermé SWISS4.0 SA, une startup fintech opérant sous le régime réglementaire plus souple de la Suisse, en raison de graves insuffisances de liquidité. Ses 250 clients risquent désormais la perte totale de leurs dépôts, car ils ne sont pas protégés par la garantie des dépôts suisses.
La startup de streaming Vinivia AG, basée à Zoug, a levé des dizaines de millions avant de s'effondrer au milieu d'allégations selon lesquelles les fondateurs auraient détourné des fonds pour des dépenses personnelles de luxe pendant que les employés n'étaient pas payés. Et le piratage de 22 millions de dollars de la plateforme d'échange de crypto-monnaies Lykke a donné lieu à des poursuites judiciaires et à un examen minutieux accru de la gestion des risques dans les entreprises numériques.
Ces échecs soulignent le fossé entre l'ambition de la Suisse de favoriser l'innovation financière et la réalité des mécanismes de surveillance qui peinent encore à s'adapter aux nouveaux modèles commerciaux.
Le bilan en dessous : les fondamentaux de la BLKB
Malgré l'échec de Radicant, la BLKB reste fondamentalement saine. Avec un bilan de 34,1 milliards de francs suisses, environ 1 000 collaborateurs et 23 succursales, la banque maintient une notation de crédit AA+ et un ratio de capital ajusté au risque projeté entre 25 et 26 %.
Ses passifs bénéficient de la pleine garantie du canton de Bâle-Campagne, offrant un tampon de stabilité dont peu d'autres institutions jouissent. Cette base explique pourquoi la direction peut projeter un bénéfice pour 2025 largement inchangé par la catastrophe de Radicant.
Cependant, la BLKB fait face à des défis plus larges au-delà de son faux pas numérique. Le revenu net d'intérêts n'a augmenté que de 2,9 % en glissement annuel en 2024, accusant un retard par rapport à l'expansion du bilan. Avec la Banque Nationale Suisse réduisant les taux à 0 % en juin 2025, les vents favorables au réinvestissement s'estompent, exerçant une pression supplémentaire sur les marges.
Perspectives d'investissement : réétalonner les attentes
Pour les investisseurs dans les dettes de la BLKB et ses certificats de participation (quasi-fonds propres), l'implosion de Radicant force une réévaluation stratégique.
« Cela marque la fin de la stratégie fintech solitaire de la BLKB », suggère un analyste de crédit d'un grand gestionnaire d'actifs suisse. « Pour les investisseurs obligataires, il s'agit d'un élargissement des spreads, pas d'une crise de solvabilité. Pour les détenteurs de certificats, le récit de croissance numérique s'est évaporé. »
Les obligations non garanties de premier rang de la BLKB se négocient actuellement environ 12 points de base moins cher que les instruments comparables de la Banque Cantonale de Zurich — une décote qui pourrait représenter une opportunité pour les investisseurs obligataires confiants dans la garantie cantonale.
Les certificats de participation, en revanche, font face à des vents contraires plus importants. Négociés à environ 11 fois les bénéfices passés — une prime par rapport à d'autres banques cantonales de taille moyenne basée sur des attentes de croissance désormais effondrées — les certificats pourraient subir une correction de 15 à 20 % à mesure que les multiples se compressent à 9-10 fois les bénéfices.
Les analystes identifient deux catalyseurs de hausse potentiels : une consolidation de l'industrie alors que les cantons mutualisent leurs investissements numériques suite aux répercussions de la fusion UBS/Credit Suisse, ou une nouvelle marge de manœuvre sur les commissions si les taux suisses redeviennent négatifs, améliorant la valeur de la clientèle de détail fidèle de la BLKB.
La voie à suivre : de la construction à l'acquisition
La stratégie de la BLKB subira probablement une révision fondamentale. Les observateurs de l'industrie s'attendent à un passage de l'approche « construire ou acheter » à « acheter ou s'associer », adoptant potentiellement des solutions en marque blanche comme la plateforme Finstar d'Hypothekarbank Lenzburg ou des offres de services bancaires en tant que service (BaaS).
Radicant elle-même pourrait survivre en tant que robo-advisor ESG de niche avec des effectifs et des ambitions drastiquement réduits. Le canton exigera probablement des seuils de rendement des capitaux propres (ROE) visibles d'au moins 8 % pour toute nouvelle initiative, avec des exigences de cofinancement pour les projets importants.
Les changements de gouvernance pourraient amener un président externe ayant des références en restructuration fintech, tandis que la recherche d'un nouveau PDG privilégiera l'expertise en gestion des risques plutôt que le prosélytisme numérique.
Le jugement : le paradoxe de l'innovation bancaire suisse
L'expérience de la BLKB souligne la tension fondamentale dans l'écosystème bancaire suisse : les institutions traditionnelles sont confrontées à une compression des marges et à des défis démographiques, pourtant les tentatives d'innovation comportent des risques d'exécution substantiels.
Alors que les banques régionales naviguent dans ce paysage, certaines suivront la douloureuse leçon de la BLKB : acheter ou s'associer peut s'avérer moins glamour, mais finalement plus durable que de construire à partir de zéro.
Pour les investisseurs et les déposants, cet épisode rappelle que derrière la réputation d'excellence bancaire de la Suisse se cache une industrie en transition, où même les institutions bénéficiant de garanties cantonales peuvent trébucher coûteusement sur le chemin numérique.
Note aux lecteurs : Les perspectives d'investissement offertes représentent une analyse basée sur les données de marché actuelles et les schémas historiques. Les performances passées ne garantissent pas les résultats futurs. Les lecteurs doivent consulter des conseillers financiers pour des conseils en investissement personnalisés.