La Banque du Canada réduit ses taux d'intérêt pour la première fois depuis mars alors que les guerres commerciales freinent l'économie

Par
ALQ Capital
11 min de lecture

La Banque du Canada réduit ses taux en pleine tempête commerciale : Retraite stratégique ou bouée de sauvetage économique ?

La banque centrale procède à sa première réduction de taux depuis mars, alors que les perturbations commerciales et l'affaiblissement du marché du travail imposent un virage politique

OTTAWA — La Banque du Canada a annoncé aujourd'hui une réduction de son taux directeur de 25 points de base, le portant à 2,5 %, marquant sa première baisse depuis mars. Cette décision intervient alors que les perturbations commerciales se propagent dans l'économie et que l'inflation recule à 1,9 % sur un an. Le gouverneur Tiff Macklem a justifié cet assouplissement monétaire par la détérioration du marché du travail canadien et la suppression de la plupart des tarifs douaniers de rétorsion, signalant un changement fondamental dans l'évaluation des risques de la banque centrale.

Cette décision, bien que largement anticipée par les économistes, souligne la pression croissante sur l'économie canadienne, dépendante des exportations, alors que les tarifs douaniers américains et les barrières commerciales chinoises créent une incertitude sans précédent pour l'investissement des entreprises et l'emploi. Le produit intérieur brut du Canada a reculé de 1,5 % au deuxième trimestre, et les exportations ont chuté de 27 % après que les entreprises aient anticipé leurs expéditions au premier trimestre pour éviter les droits de douane attendus.

Quand les guerres commerciales rencontrent la politique monétaire

La réduction de taux représente plus qu'un ajustement cyclique : c'est une police d'assurance contre un choc économique d'origine politique, que les outils monétaires traditionnels peinent à gérer. Contrairement aux récessions typiques tirées par la demande, le Canada est confronté à une perturbation induite par le commerce, qui a concentré les pertes d'emplois dans des secteurs sensibles aux exportations, notamment la fabrication automobile, l'acier et l'aluminium.

Le revirement brutal des données sur les exportations en dit long : après une forte augmentation au premier trimestre, les entreprises s'étant empressées de respecter les délais tarifaires, les exportations se sont effondrées au deuxième trimestre, enregistrant la plus forte baisse depuis la crise financière de 2008. Ce phénomène d'anticipation des expéditions a faussé les lectures économiques, rendant difficile pour les décideurs politiques de distinguer la volatilité temporaire des dommages structurels.

L'investissement des entreprises a fortement diminué au deuxième trimestre, l'incertitude ayant augmenté les primes de risque sur les projets d'investissement. Les entreprises appuient sur le bouton pause, attendant une clarté en matière de politique commerciale qui pourrait ne pas se matérialiser de sitôt. Certains analystes suggèrent que cette prudence pourrait persister, indépendamment de l'assouplissement monétaire, les dirigeants privilégiant la préservation des bilans plutôt que l'expansion dans un environnement imprévisible.

Au-delà des tarifs douaniers : le piège structurel plus profond du Canada

La réduction de taux intervient dans un contexte de défis structurels plus préoccupants que la politique monétaire ne peut résoudre. La croissance de la productivité du Canada est à la traîne par rapport à celle de ses pairs du monde développé depuis plus d'une décennie, et l'investissement des entreprises en recherche et développement reste obstinément faible par rapport à des pays comme l'Allemagne et les États-Unis.

L'abordabilité du logement a atteint des proportions critiques dans les grandes régions métropolitaines, avec des ratios dette/revenu parmi les plus élevés de l'OCDE. La banque centrale est confrontée à un équilibre délicat : soutenir la croissance par des taux plus bas tout en évitant une bulle immobilière qui pourrait menacer la stabilité financière. Certains observateurs du marché craignent que la réduction de taux ne ravive l'activité spéculative sur les marchés immobiliers de Toronto et de Vancouver.

La démographie ajoute une autre couche de complexité. La population vieillissante du Canada pèse sur les systèmes de santé et de retraite, tout en nécessitant une immigration soutenue pour maintenir la croissance de la main-d'œuvre. De récents changements de politique ont plafonné le nombre de résidents temporaires et réduit les objectifs de résidents permanents, ce qui pourrait diminuer la croissance potentielle de la production, précisément au moment où l'économie a besoin de toutes les ressources disponibles.

Le calcul de l'investissement change

Pour les investisseurs avertis, la réduction de taux signale une réorientation fondamentale du profil de risque du Canada. L'économie passe d'un modèle de croissance stable et riche en ressources à une posture plus défensive, axée sur la gestion des chocs externes et des vents contraires structurels.

Les infrastructures énergétiques apparaissent comme un bénéficiaire potentiel, en particulier les opérateurs de pipelines et les compagnies pétrolières intégrées disposant d'une capacité d'évacuation renforcée après l'achèvement de l'expansion de Trans Mountain. Ces actifs offrent une génération de flux de trésorerie disponible attrayante, tout en pouvant bénéficier d'un éventuel assouplissement des politiques concernant les réglementations sur les émissions.

Les institutions financières sont confrontées à des perspectives mitigées. Bien que des coûts de financement plus bas puissent stimuler les volumes de prêts, les marges nettes d'intérêt se comprimeront, affectant particulièrement les prêteurs très exposés aux prêts hypothécaires. Les écarts de crédit de qualité investissement pourraient se réduire à mesure que la baisse des taux stimule l'appétit pour le risque, bien que les secteurs à haut rendement exposés à l'incertitude commerciale appellent à la prudence.

La trajectoire du dollar canadien reste davantage liée aux développements de la politique commerciale qu'aux conditions monétaires intérieures. La faiblesse de la devise pourrait compenser en partie les défis liés aux exportations, mais elle augmente également les coûts des importations et complique la gestion de l'inflation.

Trois scénarios façonnent les perspectives

Les acteurs du marché se positionnent en fonction de trois scénarios principaux pour les 12 à 18 prochains mois. Le scénario de base envisage un assouplissement progressif continu, avec 25 à 50 points de base de réductions supplémentaires si le chômage continue d'augmenter et que l'inflation reste maîtrisée. Ce scénario de "décélération en douceur" suppose que les tensions commerciales se stabilisent sans nouvelle escalade.

Un scénario baissier plus préoccupant implique une escalade de la guerre commerciale, forçant potentiellement la Banque du Canada à un assouplissement plus agressif, près de 2,0 %, tandis que la devise s'affaiblirait considérablement. De telles conditions inciteraient probablement à un soutien budgétaire accru et potentiellement à des mesures de politique monétaire non conventionnelles.

Le scénario haussier exige des progrès significatifs en matière de libéralisation du commerce intérieur et de réforme réglementaire – des changements qui pourraient stimuler la productivité et la confiance des investisseurs. Cependant, les acteurs du marché attribuent une faible probabilité à une mise en œuvre rapide de ces politiques structurelles.

Ce que les traders professionnels devraient surveiller

Plusieurs indicateurs avancés détermineront si cette réduction de taux représente le début d'un cycle d'assouplissement ou un ajustement ponctuel. Les mesures de l'inflation de base et les tendances de la croissance des salaires guideront les futures décisions de la Banque du Canada, tandis que les volumes d'exportations dans les secteurs de l'automobile, des métaux et des produits agricoles indiqueront si les perturbations commerciales se stabilisent ou s'intensifient.

Les enquêtes sur les intentions d'investissement des entreprises et les approbations de dépenses en capital donnent un aperçu de la confiance des entreprises, tandis que les indicateurs du marché immobilier, y compris les reventes, les ratios prix/revenu et les arriérés hypothécaires, indiqueront si la baisse des taux ravive les préoccupations en matière d'abordabilité.

Les mouvements des termes de l'échange et la performance du dollar canadien par rapport aux principales devises refléteront la capacité de l'économie à s'adapter à l'incertitude de la politique commerciale. Les indices des conditions financières, qui intègrent les écarts de crédit, les valorisations boursières et les mouvements des taux de change, offrent des mesures complètes de la transmission de la politique monétaire.

La voie à suivre : Gérer des transitions multiples

La réduction de taux de la Banque du Canada reconnaît une dure réalité : l'économie canadienne doit simultanément naviguer dans l'incertitude de la politique commerciale, les transitions démographiques et les défis de productivité tout en maintenant la stabilité financière. La politique monétaire offre un amorti temporaire, mais des solutions durables nécessitent des réformes structurelles des barrières commerciales intérieures, des processus réglementaires et des systèmes d'innovation.

Pour les investisseurs, le nouvel environnement exige une plus grande sélectivité et une meilleure gestion des risques. Les entreprises de qualité dotées de bilans solides, de flux de trésorerie défensifs et d'une exposition limitée au commerce peuvent surperformer dans une ère d'incertitude accrue. Les stratégies de couverture de change et l'exposition aux bénéficiaires de réformes politiques potentielles offrent une protection de portefeuille et une optionalité à la hausse.

La réduction de taux marque le début d'un chapitre plus difficile pour la politique économique canadienne. Le succès dépendra non seulement des décisions monétaires, mais aussi de la capacité des dirigeants politiques à mettre en œuvre les changements structurels nécessaires pour restaurer la confiance et le positionnement concurrentiel. Les enjeux dépassent les indicateurs économiques pour toucher le rôle plus large du Canada dans une économie mondiale de plus en plus fragmentée.

Thèse d'investissement (interne)

CatégorieAnalyse Clé & PositionPositionnement & Opérations
Positionnement généralLe Canada est dans un équilibre de faible croissance, faible productivité, fort endettement. La politique pivote (tarifs douaniers, immigration, taxe carbone). L'assouplissement de la BdC est cyclique, pas une solution structurelle.Privilégier la qualité : cycliques riches en liquidités (énergie), industrielles d'investissement/relocalisation, duration longue sur le Canada. Sous-pondérer : demande intérieure, logement, consommateurs endettés.
Politique monétaireLa BdC a réduit à 2,50 % avec un biais d'assouplissement (taux neutre : 2,25–3,25 %). Prévoir 25 à 50 points de base supplémentaires d'ici le T1 2026 si le chômage augmente et l'inflation reste maîtrisée.Recevoir OIS CAD (à 1-2 réunions). Pente 2s/5s (steepener). Obligations canadiennes vs bons du Trésor américains sur le segment 2–5 ans.
Croissance & InflationLe choc de croissance est lié au commerce : le PIB du T2 a reculé d'environ 1,6 %. Le chômage à 7,1 % (plus haut depuis 9 ans). Inflation maîtrisée à 1,9 % sur un an. La productivité a chuté de 1,0 % d'un trimestre à l'autre.Confirme le biais d'assouplissement. Favorable à la duration.
Enjeux structurelsPIB par habitant inférieur au niveau pré-pandémie. Faible investissement des entreprises et barrières commerciales intérieures élevées coûtent environ 4 % du PIB par habitant. La politique monétaire ne peut pas résoudre cela.Préférer les entreprises déployant des dépenses d'investissement/PI (mineurs, technologies de réseau). Biais sectoriel vers les actions de qualité et rentabilité.
Tarifs douaniers & Exportations76 % des exportations vont aux États-Unis ; les tarifs frappent l'automobile/l'acier/l'aluminium. L'expansion de Trans Mountain (+590 kb/j) améliore la capacité d'évacuation structurelle à long terme.Devises : Vendre les rebonds du CAD vers 1,35-1,36 ; privilégier position longue NOK/CAD ou AUD/CAD. Crédit : Surpondérer l'énergie intermédiaire/IG ; éviter l'automobile/acier à haut rendement.
LogementLes mises en chantier ont chuté de 16 % m/m ; il faut environ 430 000 à 480 000 par an pour résoudre le problème d'abordabilité. Endettement des ménages extrême (environ 175 % du ratio dette/revenu). Les baisses de taux aident, mais l'offre (permis/main-d'œuvre) est le problème.FPI (REITs) : Préférer l'immobilier industriel/logistique aux appartements. Banques : Neutre ; préférer les banques diversifiées en frais aux banques très exposées aux prêts hypothécaires.
Réorientations politiquesTaxe carbone supprimée en avril 2025 (réduit l'IPC). Immigration plafonnée (allège la pression sur le logement mais diminue la production potentielle). Consolide une croissance potentielle plus faible.Services publics/Producteurs d'électricité indépendants (IPP) : Sélectifs ; bénéficient du développement mais intensifs en CAPEX. Sables bitumineux/Intermédiaire : Attrayants sur les FCF.
Politique budgétaireLe déficit fédéral s'élargit (environ 46 milliards de dollars canadiens) ; risques baissiers. La dette nette est la meilleure du G7, mais une offre plus importante suggère un plancher de prime de terme.Préférer les obligations provinciales aux GoC. Stratégie barbell sur AB/SK (liées à l'énergie) et ON à long terme.
Scénarios1. Décélération en douceur (Scénario de base) : BdC à 2,25-2,50 %. Opérations : Recevoir OIS, obligations de pipelines IG longues.
2. Escalade commerciale : La BdC réduit plus rapidement. Opérations : Ajouter de la duration, actions de mineurs d'or longues.
3. Avantage politique : Les réformes sont mises en œuvre. Opérations : Rotation vers les cycliques domestiques.
Varie selon le scénario. Le scénario de base est défensif.
Idées clésTaux : Recevoir OIS, pente 2s/5s (steepener), détenir des obligations à rendement réel.
Devises : Court CAD sur les pics ; long CAD vs. EUR/GBP structurel.
Crédit : Surpondérer les pipelines/intermédiaires IG ; sous-pondérer l'automobile/acier HY.
Actions : Surpondérer l'énergie, l'or, les industrielles de qualité. Sous-pondérer les titres liés au logement, les consommateurs endettés.
Facteurs clés à surveillerIPC de base et croissance des salaires. Chômage et heures travaillées. Investissements des entreprises et commandes à l'exportation. Mises en chantier et mise en œuvre des politiques (réformes du commerce intérieur).Les données confirmeront ou infirmeront la thèse de la croissance stagnante.

Les considérations d'investissement sont basées sur les conditions actuelles du marché et les tendances historiques. Les performances passées ne garantissent pas les résultats futurs. Les lecteurs sont invités à consulter des conseillers financiers qualifiés pour des conseils personnalisés.

Vous aimerez peut-être aussi

Cet article est soumis par notre utilisateur en vertu des Règles et directives de soumission de nouvelles. La photo de couverture est une œuvre d'art générée par ordinateur à des fins illustratives uniquement; ne reflète pas le contenu factuel. Si vous pensez que cet article viole les droits d'auteur, n'hésitez pas à le signaler en nous envoyant un e-mail. Votre vigilance et votre coopération sont inestimables pour nous aider à maintenir une communauté respectueuse et juridiquement conforme.

Abonnez-vous à notre bulletin d'information

Obtenez les dernières nouvelles de l'entreprise et de la technologie avec des aperçus exclusifs de nos nouvelles offres

Nous utilisons des cookies sur notre site Web pour activer certaines fonctions, fournir des informations plus pertinentes et optimiser votre expérience sur notre site Web. Vous pouvez trouver plus d'informations dans notre Politique de confidentialité et dans nos Conditions d'utilisation . Les informations obligatoires se trouvent dans les mentions légales